
Que ne faut-il pas acheter en période de récession ? Demandez à la génération Z
La nouvelle tendance de TikTok s'appelle “things I won't buy during this recession”
11 Avril 2025
Avant, il y avait eu le Deinfluencing, puis le no-buy challenge, et maintenant la Gen Z se prépare à affronter ce qui a déjà été rebaptisé sur les réseaux sociaux comme « the second great depression ». Un nom délibérément dramatique, bien sûr, mais qui reflète avec précision l’état d’esprit collectif d’une génération qui a grandi entre crises économiques cycliques, pandémie et précarité chronique. En effet, la seule tendance digne d’intérêt pour cette année 2025 est le recession-core, qui, contrairement à d’autres tendances qui ont disparu ( R.I.P Office Siren), continue de prospérer. Pas par choix, mais par nécessité. Ce qui le pousse, en effet, ce n’est pas l’esthétique mais l’économie réelle. La guerre commerciale imminente des droits de douane, alimentée par les politiques protectionnistes de l’administration Trump, va modifier radicalement les habitudes de consommation mondiales. Il ne s’agit pas seulement d’un appel à la moralité, comme le voudrait la rhétorique présidentielle, mais d’un véritable choc des prix : des exportations alimentaires aux biens non essentiels, tout coûtera plus cher. Et le consommateur moyen, déjà sous pression, commence à s’adapter. Sur TikTok, thermomètre parfait des angoisses collectives, prolifèrent des vidéos toutes similaires entre elles : “les choses que je n’achèterai pas pendant la récession de 2025”. Des listes bien précises, souvent dressées sur un ton mêlant ironie et désespoir, qui racontent une nouvelle sobriété imposée. Pas de dépenses impulsives, pas de gratifications esthétiques, pas de concessions quotidiennes. Seulement l’essentiel.
@sakojoyce @bitingabi original sound - sako joyce
Parmi les premières victimes du coup de ciseau, deux catégories qui ont dominé l’année 2024 : les trinkets et la beauté. Les petits objets de collection – des Labubu aux Sonny Angel – autrefois symboles de confort et de personnalité, sont désormais perçus comme des dépenses futiles et injustifiables dans un contexte récessionniste. Les vidéos sont claires, la rhétorique « je n’en ai pas besoin, j’en ai déjà trop, ça sert juste à prendre de la place » est mentionnée plusieurs fois dans la tendance. Un désenchantement qui marque le déclin de l’une des économies les plus rentables des dernières années, celle du cuteness overload. Le discours s’étend également à la cosmétique et à la skincare. Après des années où le self-care a été promu comme forme d’empowerment et rituel quotidien, la tendance s’inverse. Le nouveau mantra est de finir ce que l’on possède avant de penser à un nouvel achat ; un changement de paradigme qui touche directement les marques du marché intermédiaire, incapables de justifier leurs prix en l’absence d’innovation réelle. Même l’athleisure, considéré au cours des derniers mois par les analystes de Business of Fashion comme le nouveau grand marché de la mode, finit sous les projecteurs. Cela est prouvé par la vidéo virale de la créatrice @bitingabi qui a accumulé près de 70 000 likes en moins d’une semaine, où elle ironise sur la dernière collection “butter yellow” d’Aritzia, vue comme superflue et irrémédiable, surtout pour sa pertinence par rapport à la tendance de couleur de la saison.
@elysiaberman Saw a few other people doing this trend and I figured it was PERFECT for me to weigh in on! Here’s my list of things I will NOT be buying in this recession! #recession #tariffs #stockmarketcrash #trumptariffs #nobuyyear #nobuy #buynothing #lowbuy #noshopping #nospendchallenge original sound - elysiaberman
Mais il ne s’agit pas seulement de biens matériels, en effet les expériences sont également redimensionnées. L’influenceuse @elysiaberman, avec presque 180 000 abonnés et plus de 10 millions de likes, a déclaré que parmi les choses sur lesquelles elle ne dépensera plus figurent les alcool. Dans une ville comme New York, où un cocktail peut facilement dépasser les 20 dollars, les nouvelles taxes à l’importation de Tequila et Mezcal – avec une hausse prévue de 25 % – font d’un verre non seulement un luxe, mais un choix économiquement insoutenable. Sur la même longueur d’onde, la créatrice de contenu @sakojoyce a expliqué dans une vidéo qui a accumulé plus de 100 000 likes qu’elle renoncera à son matcha latte quotidien, désormais réservé aux occasions spéciales comme son anniversaire. Un geste symbolique mais emblématique qui concerne ces micro-dépenses, qui semblaient autrefois apparemment négligeables, mais qui deviennent maintenant le centre d’un nouveau budget personnel hyper-contrôlé. Dans une autre vidéo sur la tendance, toujours l’utilisateur @sakojoyce a souligné qu’une autre expérience à laquelle elle est prête à renoncer est les voyages au supermarché pour des achats futiles, ceux pour acheter des snacks ou des boissons superflues.
before the recession starts does anyone want to fall in love and live together to save on rent and groceries https://t.co/FTt0MMGzuw
— chance (@chanceposts) April 6, 2025
Ce qui émerge de cette nouvelle tendance n’est pas un approche plus sobre et consciente de la consommation, comme on pourrait le penser de manière romantique, mais une adaptation forcée à un climat économique qui ne laisse aucun réel choix. Il n’y a rien de révolutionnaire ou de volontaire dans cette renonciation collective : c’est le résultat direct d’un scénario marqué par une inflation persistante, une instabilité mondiale, des tensions géopolitiques croissantes et des politiques protectionnistes qui affectent immédiatement le coût de la vie. Les droits de douane imposés sur une large gamme de biens de consommation, des aliments à la beauté, modifient profondément la disponibilité et l’accessibilité des produits. Dans ce contexte, parler de décroissance heureuse risque de prêter à confusion : il ne s’agit pas d’un choix éthique, mais d’une condition imposée par des facteurs externes, souvent incontrôlables. Le recession-core, donc, n’est pas seulement une esthétique faite de tenues neutres, coupes basiques et palettes désaturées, c’est désormais une expression visuelle d’une nouvelle réalité dans laquelle l’abondance n’est plus donnée pour acquise. Une esthétique, oui, mais avant tout une condition. Une stratégie temporaire pour rester à flot en attendant de comprendre si, et quand, quelque chose changera. À condition que cela change vraiment.