
L'Union européenne se concentre sur l'autosuffisance de l'industrie textile
Entre les guerres fiscales et les tarifs douaniers, Bruxelles revient à la maison
26 Mars 2025
En temps d'incertitudes, la seule chose que l'on puisse faire, c'est de compter sur soi-même : c'est cette politique que l'Union Européenne essaie de mettre en place face à la guerre des tarifs douaniers imposée ces derniers mois par le Président des États-Unis Donald Trump. Une question assez complexe et floue – aussi parce que peut-être le gouvernement américain est lui-même confus par ses propres actions – mais bien que cela semble concerner uniquement les États-Unis et la Chine, la question des droits de douane touche d'une manière ou d'une autre tous les pays. Du moins pour l'instant. Nombreux sont ceux qui se sont demandé quelles seraient les conséquences de ces politiques sur le monde de la mode et du luxe; certains s'attendent à une révolution conservatrice parmi les géants de la mode (dirigée par aucun autre que LVMH), d'autres utilisent leur plateforme pendant la Fashion Week pour envoyer un message politique, et certains se déplacent dans les coulisses pour s'éloigner de la dépendance à ces grands pouvoirs instables. Comme l'a souligné WWD, l'intention de Bruxelles est de développer une chaîne d'approvisionnement plus forte et indépendante, en s'éloignant autant que possible des incertitudes dictées par les relations commerciales avec les États-Unis et la Chine. Le principal objectif semble être le secteur textile, historiquement un secteur clé pour l'industrie européenne. L'objectif de la Commission Européenne est de reconvertir la chaîne d'approvisionnement rapidement afin de pouvoir rivaliser à l'échelle mondiale, tout en s'éloignant des matières premières et des premières étapes des chaînes d'approvisionnement victimes des exportations tout en réduisant en même temps son empreinte environnementale.
Europe’s #textile industry needs aligned policy, not contradictions.
— EURATEX (@euratex_eu) March 24, 2025
EURATEX calls on the EU to better connect trade, industrial & #energy strategies—supporting competitiveness, #investment & a resilient transition.
Fragmentation weakens Europe. Coherence can strengthen it. pic.twitter.com/WtZFAyaFYF
La Confédération Européenne de l'Habillement et du Textile (Euratex) a déclaré ces derniers jours que le secteur textile est enfin prêt à prendre résolument le chemin de la circularité, qualifiant d'« étape cruciale » l'avancement de la réalisation de la European Partnership for Textiles of the Future. Selon l'organisation de Bruxelles, la Commission Européenne et la European Technology Platform for the Future of Textiles and Clothing (Textile ETP) sont sur le point de signer un Mémorandum d'Entente, dont la finalisation – prévue dans les prochains jours – donnera le coup d'envoi à une série d'initiatives visant à promouvoir la circularité et l'innovation dans les 27 États membres, avec l'objectif affiché de renforcer l'autonomie stratégique européenne et de promouvoir sa compétitivité à l'échelle mondiale. « L'innovation est le point de rencontre entre la durabilité et la compétitivité, » a observé Mario Jorge Machado, président d'Euratex. En même temps, il a précisé que la décision de la Commission représente un soutien précieux, mais qu'il convient de la considérer uniquement comme une base de départ pour un chemin plus ambitieux vers un avenir textile réellement circulaire. L'idée à la base de l'« European Partnership for Textiles of the Future » est précisément celle-ci : renforcer la capacité industrielle interne en stimulant la recherche et l'innovation en fonction de la durabilité. En d'autres termes, l'objectif est de permettre au secteur textile européen de rester compétitif dans un marché mondial de plus en plus instable, tout en valorisant les compétences et le savoir-faire locaux.
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D'une part, de nouvelles technologies et modèles économiques circulaires sont promus, d'autre part, la création de nouveaux emplois de qualité est encouragée et l'on vise à préserver la chaîne de production afin qu'elle reste ancrée sur le territoire européen. Il est significatif que la Commission, en collaboration avec des acteurs privés, ait prévu un financement de plus de 70 millions d'euros pour la période 2025-2030 : une somme qui confirme la volonté d'imprimer un tournant « vert » et de porter le secteur textile au sommet de l'innovation dans le cadre de la transition écologique. Parallèlement, la question de l'approvisionnement en matières premières critiques se révèle cruciale pour plusieurs secteurs, y compris ceux à fort contenu technologique et stratégique, comme l'industrie militaire ou les voitures électriques. Comme rapporté par Il Post, il semble que l'UE cherche à éviter la répétition d'un scénario où, comme cela s'est déjà produit pour l'énergie, elle se retrouve presque totalement dépendante de fournisseurs étrangers (comme cela s'est produit au début de l'invasion russe en Ukraine). Les 47 projets stratégiques annoncés par la Commission, avec un investissement estimé à 22,5 milliards d'euros, s'inscrivent dans cette perspective de réduction de la vulnérabilité : plutôt que de se contenter d'acheter des métaux et des ressources déjà traités à l'extérieur, l'Europe vise à développer une « chaîne d'approvisionnement fermée » sur son propre territoire, comprenant des activités d'extraction, de transformation et, surtout, de recyclage de ces mêmes matières premières.
L'ensemble des initiatives ne doit pas être perçu comme une simple tentative de mettre des droits de douane contre des droits de douane ou de se replier sur soi-même. C'est plutôt le fruit d'une réflexion sur la manière de gérer les effets d'une mondialisation qui est en train de changer de visage, surtout après la pandémie et la crise générée par la guerre en Ukraine, comme le souligne WWD. L'objectif principal est de renforcer la résistance économique et industrielle de l'Europe, afin de mieux résister aux chocs externes et de continuer simultanément sur la voie de la transition verte. Naturellement, ce discours touche également le monde du luxe et de la mode, des secteurs dans lesquels l'Europe excelle et qui ont un poids économique, culturel et symbolique majeur. Les droits de douane et les politiques commerciales américaines peuvent avoir un impact considérable sur les exportations de produits Made in Europe; investir dans l'autonomie stratégique et dans des chaînes d'approvisionnement résilientes vise donc à défendre la compétitivité des marques et entreprises haut de gamme, sans sacrifier la qualité ni l'ambition d'être des pionniers en matière de durabilité. Il est clair que Bruxelles tente de contrer le protectionnisme imposé par les deux plus grandes puissances économiques mondiales avec un protectionnisme durable. Si la chaîne d'approvisionnement textile parvient effectivement à marcher de ses propres jambes (en tenant compte également de l'objectif de durabilité), le plan de la Commission pourrait effectivement représenter un tournant pour l'ensemble du secteur du luxe.