
Pourquoi les It-bags des années 2000 font leur grand retour 20 ans plus tard ? Analyse d'une tendance créée par les Millenials, portée par la Gen-Z
Alors que l’automne et ses tenues teintées de beige et d’orange revenaient tout doucement en octobre dernier, Bella Hadid nous dénichait, comme elle a le don de le faire, une pépite d’archive, tirée de sa collection de sacs vintage qui en ferait pâlir d’envie plus d’une. Peu après avoir foulé le podium du défilé Saint Laurent aux pieds de la Tour Eiffel lors de la Fashion Week féminine pour la SS26, elle a en effet troqué ses lunettes et boucles d’oreilles XXL pour un sac Gaucho, imaginé par John Galliano pour la FW06 de la Maison Dior. Après le phénomène du Paddington de Chloé qui a fait exploser le baromètre des tendances cette année suite à la reprise de Chemena Khamali du modèle de Phoebe Philo pour sa FW25, on dirait bien que les sacs iconiques du débuts des années 2000 sont de retour, et ils sont là pour rester. Pour mieux comprendre ce retour de flamme, mais aussi les changements qui l’accompagnent, nous avons échangé avec la propriétaire de La Perfection Vintage, magasin de luxe vintage spécialisé en maroquinerie.
Mais avant d'entrer plus en détail dans le petit monde de la vente, la compréhension des clients, du marché et de ses fluctuations, commençons par le commencement : qu'est-ce qui pourrait bien justifier ce retour des années 2000 au creux de nos bras et à nos épaules ? Le come-back de ces modèles Y2K tous plus iconiques les uns que les autres se résume en fait en 3 points: la force motrice du facteur nostalgie, le pouvoir silencieux des réseaux sociaux, et l'arrivée une armée de nouveaux directeurs artistiques, tous désireux de prouver mériter leur place à la tête de ces grandes Maisons à l’archive de maroquinerie rempli de pépites. Mais procédons un point après l'autre, à commencer par celui qui en fait justifie les deux autres. En temps de crise, de remise en question, et d’avenir incertain, la mode et le monde en général a toujours la même réaction : regarder en arrière quand l’avant fait trop peur. Elle peut le faire de plusieurs manières et à l’aide de plusieurs outils, pourtant il y en a un en particulier qui lui délivre des vidéos et photos d’archives sur un plateau d’argent sans devoir exécuter la moindre recherche : Tik Tok. Si le géant Chinois à bien des défauts, comme la dépendance qu’il crée et les standards inatteignables qu'il impose, il a également la qualité de faire office de base de données accessible en un scroll.
Le troisième et dernier acteur de ce retour quant à lui part non pas de la société dans toute son ampleur et ses contrastes, mais de la mode en elle-même. Cette année, le système a en effet atteint un record de début, avec un mercato de directeurs artistiques plus actif que jamais. Des directeurs créatifs qui jouent gros, ont beaucoup à prouver en relativement peu de temps. Alors pourquoi choisir le danger en proposant des modèles inédits quand on reprend la tête de la Maison Balenciaga connue entre autres pour son City Bag iconique ? Face à ces rééditions, même le public qui n'est pas la cible des marques de luxe et qui ne peut pas se permettre ces sacs qui dépassent le seuil des 2000€ réagit, et c'est à ce moment là qu'entre en scène un autre acteur principal de cette popularité retrouvée pour les modèles oubliés : le marché de la seconde main.
La première observation que nous fait Wafaa, la dirigeante de La Perfection Vintage, c’est que, si la qualité et le design de ces pièces d'archives sont les mêmes, leurs prix, même pour des pièces de deuxième main, ont quant à eux, bien changé. C’est notamment le cas du sac Neverfull de Louis Vuitton, sorti en 2007 et réalisé par Marc Jacobs, qui a vécu un revival sans précédent grâce à Tik Tok en octobre dernier. S’il ne dépassait pas les 500€ en Europe à sa sortie, son prix aujourd’hui monte jusqu’à 1600€, soit plus du triple que son prix initial, et ce en moins de 20 ans. Un fait impressionnant si l’on sait qu’il faut d’habitude compter une dizaine d'années pour que le prix d’un sac de luxe ne double, comme ce fut notamment le cas du Loulou de Saint Laurent, créé en 2017 par Anthony Vaccarello.
@lenasituations on en pense quoi de cette nouvelle fonctionnalité ? produit offert @Louis Vuitton #neverfullinsideout son original - Lena Situations
Mais les prix ne sont pas les seuls à avoir changé : les clients aussi, tout comme leurs goûts et leurs critères. Selon Wafaa, la différence est très claire : contrairement aux Millenials qui ont acheté ces sacs iconiques à leur parution, aujourd’hui c’est la Gen Z qui se rue dessus, et elle ne le fait pas pour leur design, leur praticité ou leur taille. “Les millenials vont plutôt se tourner vers des pièces iconiques, intemporelles, qu’ils pourront garder plusieurs années voire donner à leurs enfants. Ils achètent de manière réfléchie et raisonnable étant donné que ce sont des pièces avec lesquelles on ne peut pas se tromper, comme le Speedy de Louis Vuitton par exemple, qui est un modèle phare qui ne perdra jamais en valeur. La génération Z quant à elle, achète en fonction des tendances, elle veut avant tout être à la mode. Le sac chiquito de Jacquemus par exemple, est clairement un article de la génération Z, pas un investissement, un sac que l’on regrette et que l’on ne portera plus après que la hype soit passée." Et c’est la même chose pour les sacs Y2K.
@break.archive perfect bag tbh x
Just A Girl - No Doubt
Bien évidemment, comme le précise Wafaa, ce qui fait une différence notable entre ces deux générations, c’est l’arrivée et l’influence des réseaux sociaux. Même si les célébrités ont toujours existé et influencé les achats toutes générations confondues, le phénomène du “chronically online” et l’accès on ne peut plus facile à du contenu directement depuis les tapis rouges et les défilés de la Fashion Week ont eu un véritable impact sur les articles de luxe et sur les achats d’une nouvelle génération qui cherche constamment à être à la page. En France, nous avons notamment Léna Situations et sa collection de sacs Y2K qui illustrent ces propos à la perfection, comme par exemple son sac Monogram Multicolore issu de la collaboration entre Louis Vuitton et l’artiste japonais Takashi Murakami paru en 2010 et réédité en décembre 2024 qu’elle arborait en janvier dernier, qui est instantanément apparu au top de la wishlist de bien des jeunes filles.
Mais après le retour de flamme du Paddington de Chloé, du gaucho de Dior, du Monogram de Louis Vuitton ou encore du City Bag de Balenciaga, quel autre modèle phare peut-on s’attendre à voir de retour sous les feux des projecteurs et au creux du bras des jeunes filles? Selon Wafaa, c’est le Peakaboo de Fendi, sorti en 2008 et réalisé par Silvia Venturini Fendi qui pourrait faire un retour inattendu, comme en témoigne la collection SS26 de la Maison romaine, la dernière de l’héritière de Fendi qui laissera sa place à Maria Grazia Chiuri qui pourrait bien reprendre cet incontournable de la maroquinerie elle aussi.

























