
Coupang est-il une nouvelle menace pour l'empire Amazon ? L'e-commerce coréen continue de croître
Si Amazon domine sans partage l’économie occidentale, en Asie, les hiérarchies semblent désormais moins stables. Tandis que Temu et Alibaba se disputent le segment low-cost dans un climat d’incertitude, entre droits de douane et tensions géopolitiques, Coupang est en train de se tailler un rôle de protagoniste silencieux mais de plus en plus menaçant pour les géants américains. Fondée en 2010 par Bom Kim, l’entreprise coréenne a bâti son succès sur un modèle hybride entre marketplace et plateforme logistique propriétaire, combinant une expérience d’achat rapide, algorithmique et hyper-localisée à la culture de la précision propre à la Corée du Sud.
Au cours des derniers mois, Coupang a enregistré des résultats record. Selon le Korean Herald, l’entreprise a dépassé les 9 milliards de dollars de revenus au troisième trimestre 2025, soit une augmentation de 20 % par rapport à l’année précédente et un troisième trimestre consécutif bénéficiaire. La croissance ne se limite plus à la Corée : Taïwan est devenu le nouveau terrain d’essai, où le service Rocket Delivery (livraisons dans la journée ou la nuit) reproduit les niveaux d’adoption et de fidélisation déjà bien établis sur le marché domestique. Aujourd’hui, Coupang compte plus de 24 millions de clients actifs et un revenu moyen par utilisateur de 323 dollars, des chiffres qui démontrent la capacité de la marque à convertir l’efficacité logistique en fidélité comportementale.
Qu’est-ce que Coupang ?
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Le secret de son succès réside dans un écosystème entièrement contrôlé. À ce jour, Coupang n’est pas seulement une marketplace, mais aussi le gestionnaire de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la gestion des entrepôts à l’optimisation des itinéraires de livraison. L’utilisation de l’intelligence artificielle et de l’automatisation dans le réseau logistique permet à l’entreprise d’anticiper la demande et de réduire drastiquement les délais de traitement, avec Rocket Fresh (la division alimentaire) comme l’un des services les plus rapides au monde. C’est une approche qui rappelle celle d’Amazon, mais avec une efficacité presque maniaque, nourrie par la densité urbaine coréenne qui permet une mise en œuvre de précision.
Aujourd’hui, Coupang n’est plus seulement une plateforme d’e-commerce, mais un conglomérat numérique en pleine expansion : de la livraison alimentaire (Coupang Eats) au streaming (Coupang Play), jusqu’aux marketplaces internationales. Ce dernier volet représente d’ailleurs la nouvelle ambition du groupe, qui vise à devenir un acteur mondial capable de concurrencer directement Amazon sur les marchés émergents, où l’infrastructure logistique reste encore fragmentée. Pourtant, malgré son expansion agressive et ses profits croissants, toutes ses initiatives n’ont pas été couronnées de succès.
L’entrée de Coupang dans la mode
L’une des expériences les plus audacieuses et jusqu’à présent les plus incertaines a été son entrée dans le système de la mode. Tout a commencé fin 2023, lorsque Coupang a sauvé de l’effondrement Farfetch, le géant britannique de l’e-commerce du luxe, en injectant 500 millions de dollars pour éviter la faillite. L’opération, saluée comme le “white knight deal” de l’année, devait transformer Coupang en un pont entre le luxe européen et la technologie asiatique. Le plan, cependant, n’a pas donné les résultats escomptés. Farfetch est ensuite restée vidée de ses ressources créatives et financières, sans parvenir à inverser la tendance, entraînant avec elle le New Guards Group, autrefois considéré comme le groupe emblématique du “nouveau luxe”.
Ces derniers mois, plusieurs designers ont en effet retrouvé leur indépendance vis-à-vis des contrats du groupe : d’abord Alanui et Ambush, suivis de Marcelo Burlon et du plus récent Heron Preston, qui ont tous soit quitté, soit racheté les droits de leurs marques. L’acquisition de Farfetch aurait dû garantir à l’entreprise coréenne une entrée stable dans le monde de la mode, mais elle s’est révélée être une opération difficile à intégrer. Le mode opératoire est en effet très différent de celui auquel le géant coréen était habitué, car les marges du luxe sont plus faibles, les cycles décisionnels plus lents et la logique d’échelle qui a rendu Coupang imbattable dans l’e-commerce ne s’adapte pas au rythme du système de la mode.
Coupang peut-il vraiment devenir le nouvel Amazon ?
$CPNG Q3 2025 earnings: Core Profit Engine Fires on All Cylinders, Funding an Even Bigger Taiwan Bet.
— Finsee (@Finsee_main) November 4, 2025
Coupang reported a strong quarter driven by impressive performance in its core Korean e-commerce business. This segment showed excellent revenue growth and record-high…
Si le géant de Jeff Bezos s’appuie sur un empire décentralisé et tentaculaire, Coupang fonctionne selon une logique opposée, faite de centralisation extrême, d’efficacité logistique et d’un contrôle presque total de la chaîne d’approvisionnement. Amazon a conquis le monde grâce à sa capacité à s’adapter aux cultures locales, tandis que Coupang semble miser sur une expansion plus sélective mais méthodique, répliquant le modèle coréen là où l’infrastructure technologique le permet.
Bien sûr, Amazon reste la référence mondiale en matière d’échelle et de capitalisation, mais le rythme auquel Coupang consolide sa position suggère que l’ère du monopole occidental du commerce en ligne touche lentement à sa fin. Et si le prochain géant capable de réécrire les règles du commerce en ligne ne se trouvait pas dans la Silicon Valley, mais à Séoul, ce ne serait pas une surprise, tant il devient évident que l’Asie ne copie plus l’Occident : elle le dépasse.

























