
L'hiver des amulettes métalliques
Pour s'évader ou mieux comprendre l'étrange réalité dans laquelle nous vivons
29 Janvier 2025
Alors que la Fashion Week Couture commence, avec ses volants et ses finitions dorées, nous ne pouvons nous empêcher de penser aux accessoires des collections menswear présentées les jours précédents à Milan et à Paris. Comme un (gros) clou fixant l'esprit, les détails scintillants suspendus au cou des mannequins ou cousus sur les cols des polos restent l’un des éléments les plus mémorables des collections FW25. Avec eux, une quantité démesurée de porte-clés (pensons à Louis Vuitton Men) et de baskets amusantes (ou à PDF de Domenico Formichetti) ont défilé, pourtant, parmi toutes les chaussures et accessoires présents sur le podium, ce sont de simples pendentifs métallisés qui ont attiré notre attention. Simples, disons-le, car chaque marque a interprété la tendance à sa manière. Comme l'expliquent Miuccia Prada et Raf Simons dans le communiqué de presse concernant la FW25 de Prada Men, la passion que nous entretenons pour les futilités “inutiles” a à voir avec l’instinct et le besoin de doter des objets sans signification de pouvoir, « comme des amulettes qui, d'une certaine manière, nous protègent ». Alors qu'il n'y a pas si longtemps, Internet se moquait des passionnées de sorcellerie cachant des pierres précieuses sous leurs oreillers ou dans les bonnets de leurs soutiens-gorge, aujourd'hui, tout le monde – y compris le plus “sérieux” homme Lemaire – veut un porte-bonheur.
Il n’y a pas si longtemps, ce sont les rappeurs qui portaient une quantité importante de métal autour du cou, ajoutant un peu de brillance à leurs tenues urbaines de l’âge d’or du hip hop, entre grills aux dents et chaînes en or. Aujourd'hui que le streetstyle est devenu partie intégrante du luxe et vice versa, que le rappeur le plus écouté de l'année ne porte pas seulement Chanel, mais produit également les bandes-son de leurs défilés, les marques ont appris l’art de l'accessoirisation. Comme toujours, PDF de Domenico Formichetti a repris l’esthétique du hip hop et l’a appropriée, transformant la chaîne autour du cou en un objet transparent comme s'il était en cristal. Même Pharrell, directeur créatif de Louis Vuitton Men, qui a invité Nigo à collaborer pour la FW25, a apporté le hip hop sur le podium : lors du défilé sous la Pyramide du Louvre, une infinité de porte-clés, mais aussi de petites chaînes en argent avec des pendentifs en forme des initiales de Louis Vuitton et de cadenas, comme le veut les sacs les plus célèbres de la maison, ont défilé. JordanLuca, à Milan, a suivi la tendance avec un peu plus de passion, créant des colliers avec de grands cœurs ex-voto en célébration du mariage des deux fondateurs et directeurs créatifs, Jordan Bowen et Luca Marchetto, qui a eu lieu lors du même événement.
En plus des créateurs les plus urbains, qui reflètent parfaitement les habitudes stylistiques des plus jeunes, certains des noms les plus matures du calendrier ont également décidé de suivre la tendance. Lemaire, porte-étendard d’une mode discrète, a donné à certains modèles des loupe en métal affilées à porter autour du cou pour la FW25, réalisées en collaboration avec l’artisan autrichien Carl Auböck. Les directeurs créatifs Christophe Lemaire et Sarah Lin-Tran ont déclaré que la collection visait à représenter « l’intensité de vivre aujourd’hui ». Effectivement, si un outil existait pour déchiffrer toute la confusion socio-politique de ces derniers mois, il se vendrait comme des petits pains. Avec Lemaire, une autre marque habituellement “composée” a choisi de présenter des accessoires métalliques inhabituels : Prada Men. La FW25 de la marque, présentée à Milan entre tapis et échafaudages industriels, comprenait de petits porte-bonheur en forme d’ancre et de trèfle brodés sur les tricots. Bref, qu’il s’agisse d’un amulette pour échapper à la réalité, d’un outil pour la comprendre ou tout simplement d’un symbole lié à la culture hip hop des années 90, la mode du prochain hiver nous verra élégants mais armés de métal - que ce soit un sifflet, une chaîne ou, comme chez Magliano, une médaille olympique.