Le must-have parisien du moment n'est ni un Birkin ni un Labubu, mais une voyante

Il semblerait qu'à Paris, le vrai luxe, c’est d’avoir un voyant. La légende raconte que Coco Chanel en consultait un. Gabriela Hearst aussi. Et Dior, avec ses fameuses superstitions ? On ne serait pas surpris d'apprendre qu'il se tournait également vers un médium de confiance. Il suffit de passer assez de temps dans certains cercles parisiens pour l'entendre et le comprendre. On peut même dire que c'est un conseil transmis comme un secret de beauté parisien, une esthéticienne de confiance ou un fournisseur clandestin. Pour confirmer les rumeurs, nous avons contacté une initiée parisienne. Elle a demandé à rester anonyme, mais a répondu avec deux notes vocales. La première : un rire de huit secondes. La seconde : « Oui. C’est tout ce dont mes amis et moi parlons ! » Naturellement, nous avons dû creuser. 

Pour Audrey, styliste basée à Paris, consulter un voyant n’était pas prévu en entrant dans le monde de la mode. « J’étais curieuse, et quand j’ai commencé comme assistante styliste, j’ai entendu parler de cette voyante que tous les designers et rédacteurs consultaient. Il s’est avéré que ma patronne la voyait aussi ! » Mais ces recommandations ne sont pas aléatoires. Nadine, une peintre à Paris, a aussi trouvé la sienne via un réseau de gens de la mode, mais depuis l’autre bout du monde.  « Ma guérisseuse Anita Madnani vit à Kuala Lumpur. Je l’ai découverte via une amie, ancienne rédactrice mode, qui l’a trouvée par le biais d'une journaliste malaisienne. » Nadine consulte depuis plus d’un an et nous affirme que cela l’a transformée positivement.  « Elle m’a aidée à libérer des blocages émotionnels. En un an, beaucoup avaient disparu. » Audrey partage une expérience similaire et ajoute : « Les créatifs sont plus sensibles, plus à l’écoute des énergies, donc on est généralement plus ouverts à ces choses. »

Nathaly Bloch, voyante à Paris, confirme que la majorité de ses clients viennent de la mode, de la musique et du cinéma. Elle partage même une anecdote sur un créateur décédé qui était un habitué.  « Certains me demandaient tout, sur leur vie personnelle, leur carrière. Un jour, on m’a même demandé si leur bureau était hanté par un prédécesseur. Un créateur célèbre qui organisait autrefois des séances de spiritisme là-bas. » Quand on lui demande comment tout a commencé, Nathaly répond : « Mes parents l’ont remarqué tôt. Je voyais des défunts et je prédisais l’avenir de mes proches. À sept ans, j’ai prédit la mort d’un oncle avant qu’elle n’arrive. » Plutôt que de réprimer ses dons, sa famille les a encouragés. On lui a donné accès à des livres sur le spiritisme et la philosophie ésotérique. Bien qu’elle ait étudié le droit, la voyance a lentement pris le dessus.  « Même à la fac, je faisais des tirages de tarot pour des amis, des thèmes astraux. » Elle rit : « La voyance me rattrape toujours. J’essaie de prendre de la distance, mais quelqu’un à l’autre bout du monde, qui ne sait rien de moi, commence à me poser des questions comme si c’était écrit sur mon front. »

Yannick, un professionnel de la musique, connaît bien cette vie. Il a grandi dans un foyer où la voyance faisait partie du quotidien. Sa mère avait le même don. « C’est difficile à expliquer car c’était la norme pour moi, » dit-il. « Par exemple, j’ai postulé spontanément à un job, juste parce que je le sentais. Et à chaque fois, l’entreprise cherchait en fait un profil comme le mien, même sans annonce. C’est une impulsion soudaine, un peu comme avoir envie d’aller aux toilettes. Ça vient tout seul. » Pour Yannick, cela lui a appris à faire confiance à son intuition, à sentir les énergies et à développer une forme de spiritualité non religieuse. Il voit les guérisseurs ou médiums non seulement comme des voyants, mais comme des traducteurs de l’invisible. « Un grand médium vous aide à voir les choses sous un autre angle. Ce n’est pas seulement le futur—c’est comprendre le présent sous une nouvelle lumière. Là naît le sens, la perspective et l’apaisement. » Il ajoute : « Un médium, c’est comme un autre genre de thérapeute, qui explore les couches invisibles de votre psyché. C’est un peu comme un autre genre de psy. »

« Dans le monde occidental, le travail énergétique n’est pas vraiment intégré, et je n’arrivais pas à briser ces schémas profonds et inconscients—beaucoup sont stockés dans le système nerveux, » explique Nadine. Avec un passé en psychologie et neurosciences avant de découvrir l’art, elle décrit sa transition vers la spiritualité comme une évolution nécessaire. « J’ai moi-même été en thérapie. J’ai même travaillé dans le domaine. Mais avec Anita, j’ai tellement appris—la vie est devenue plus calme, plus signifiante. » Pour Nadine, le travail d’Anita est un mélange puissant de sensibilité énergétique et de guérison profonde, mêlé à de l’astrologie prédictive et des séances de tarot. « Elle enseigne ce qu’est vraiment l’énergie, comment elle nous affecte à tous les niveaux, comment s’en détacher et surtout, comment la libérer du corps. » Nadine explique que nous portons tous une forme de traumatisme, souvent ancré dans le système nerveux. « Le corps continue à libérer des hormones de stress quand on voit, entend ou sent quelque chose qui nous rappelle inconsciemment une douleur. Parfois on se sent anxieux, en colère ou triste sans savoir pourquoi—et souvent, ce n’est même pas notre énergie à laquelle on réagit. » C’est là qu’intervient Anita. De Kuala Lumpur à Paris à travers un téléphone, elle se connecte. 

Les récits d’un Paris ésotérique ou mystique ne sont pas nouveaux. « La France a une histoire de forces invisibles. C’est un vieux pays : religion, époque médiévale, légendes, » dit Audrey. Dans les années 1890, Joséphin Péladan organisait des salons d’art et de musique à tendance mystique. À Montmartre, près de l’Hôtel Particulier, il y a d'ailleurs un bloc de pierre appelé le Passage de la Sorcière, censé avoir protégé une femme dotée de pouvoirs. Les peintres français Augustin Lesage, Victor Simon et Fleury Joseph Crépin, quant à eux, disaient peindre sous la dictée des esprits. Et au Père Lachaise, la statue de Victor Noir a sa propre légende : la frotter porterait chance en amour.  « Paris est romantique, c’est déjà une forme de magie, » ajoute Audrey. « La plupart des gens vont voir un voyant pour l’amour, de toute façon. » Nathaly acquiesce, mais apporte une perspective générationnelle. « Mes plus jeunes clients parisiens—dans la trentaine—ont une relation totalement décomplexée avec la voyance et la spiritualité. Je peux aborder des sujets autrefois tabous. »

Nathaly précise aussi : « Mes séances ne sont pas réservées à l’élite, tout le monde peut venir me voir. » Elle ajoute : « La relation des Parisiens à l’ésotérisme n’est pas très différente de celle des autres, Français ou non. Ils préfèrent parfois me consulter par mail ou téléphone, même si on est dans la même ville. Leurs questions sont les mêmes, et comme les autres, ils attendent une confidentialité totale. » Yannick approuve :  « Beaucoup de mes amis à Paris sont ouverts à cela car ils comprennent qu’il existe autre chose. Mais, je ne pense pas qu’on puisse parler de prestige ou de quiet luxury pour consulter un voyant. » Il poursuit : « J’ai rencontré des gens aux parcours très différents, avec des moyens variés, qui consultent. Il ne faut pas oublier que la majorité des gens vont à ces consultations parce qu’ils ont un problème ou une demande. » Audrey ajoute : « Ma voyante ne me dit même pas quoi faire. La plupart du temps, c’est plus de la réassurance. Dans les moments de doute ou de changement, je la vois comme une amie qui vous dit que tout ira bien—mais d’une manière à laquelle vous croyez un peu plus. » Quant aux prédictions ? Audrey sourit : « Je ne peux pas les partager. Mais disons juste que si je la consulte encore après sept ans, c’est qu’il y a une raison. »

C’est un domaine ouvert à tous, certes, mais pas fait pour tout le monde. « Je ne le recommanderais pas à n’importe qui, » prévient Yannick. « C’est une expérience profondément personnelle. Je dirais plutôt : soyez prudents. Les vrais voyants, ceux qui ont un véritable don, sont rares. Fiez-vous aux recommandations de gens de confiance, car il y a beaucoup de charlatans.» Cela dit, nss n’a pas résisté à une séance de voyance. Nathaly—recommandée par une connaissance du milieu—nous a généreusement répondu : « Vous semblez avoir trouvé votre place, le bon endroit. Je perçois un livre ou un scénario dans votre avenir qui aura beaucoup de succès. Et le dernier message : votre âme sœur, votre grand amour, est bien là. » Avons-nous reçu toutes nos réponses, nos chakras sont-ils désormais alignés ? Qui sait. Avons-nous trouvé l’amour ? À suivre. Sommes-nous repartis en nous faisant des films mentaux ? Absolument.