
En France, l'office siren fait des heures supp
De l'open space au dancefloor, l'office siren n'est pas prête de quitter la garde-robe des parisiennes
07 Mai 2025
Tout le monde connaît désormais le personnage de l'office siren. À la fois boss et séductrice, elle reste très présente dans les tendances mode, bien qu'interprétée de manière nouvelle. À Paris, elle ne se limite pas au bureau — elle est aussi au bar, en boîte de nuit et en after. L’uniforme de soirée parisien ressemble de plus en plus à une tenue de bureau, car l’esthétique de l’office siren devient omniprésente dans la vie nocturne française. Blazers cintrés et kitten heels sont devenus des incontournables des soirées, tandis que les chemises boutonnées envahissent les rayons "fête" de Zara, et que les lunettes fines façon Bayonetta sont portées plus comme accessoires de sortie que pour des besoins optiques. Dans la capitale française, une nouvelle vague d’office siren prend le relais après les heures de bureau.
Selon les données du rapport Pinterest des tendances de l’été, les recherches pour « corporate chic » ont augmenté de 950 % début 2024, révélant un vif intérêt pour la mode inspirée du bureau. L'attrait viral du look office siren se traduit par un comportement d’achat réel, visible dans les recherches en ligne et la demande pour des pièces fortes comme les jupes crayons ou les lunettes rectangulaires. À Paris, l’esthétique se veut plus brute, plus relâchée, loin de la version "clean girl" ultra-lisse des réseaux sociaux. Il réinterprète une Gisele Bündchen dans Le Diable s’habille en Prada, mais avec un trait d’eye-liner noir, une cigarette, et une paire de Tabi. Une réinvention de la folie office siren de 2023, inspirée du power dressing des années 90 et 2000. L’histoire se répète — ou du moins revient sous d’autres formes — dans une esthétique rappellant les collections printemps 2006 de Ralph Lauren et automne 2006 de Calvin Klein. Des silhouettes épurées, des palettes sombres et des accessoires modernes la projettent dans le présent, adopté notamment par Miu Miu, Hodakova et Prada.
Lors de la Fashion Week de Milan FW25, Prada a redéfini l’office siren avec une approche plus portable et moins séductrice. Fini les silhouettes moulantes. Place aux ourlets asymétriques, mini-jupes en laine rigide, jupes taille haute et pulls oversize. Les accessoires allaient également dans ce sens: lunettes sans monture discrètes, sacs sculpturaux et mocassins incarnaient une femme Prada sophistiquée et à l'aise. Pas nécessairement séduisante. À la Fashion Week de Paris aussi, les créateurs ont troqué le luxe discret pour une version plus bruyante et ironique du power dressing. Du décor de bureau à ciel ouvert chez Stella McCartney — avec mugs de café et “Work It” de Marie Davidson — aux costumes déformés de Balenciaga, le message était clair : une forme d’office core reste bien vivante. Le premier défilé de Haider Ackermann pour Tom Ford misait sur une séduction cinématographique avec des trenchs rouge vif et chemises vert acide, tandis que Stella revisitait la cubicle fantasy en costumes conceptuels : blazers épaulés, jupes crayons à poches cargo. Même les costumes minimalistes de Demna chez Balenciaga, portés avec nonchalance, semblaient commenter la lassitude des codes mode. Une garde-robe d’entreprise vue à travers un mood board — sublimée et réinterprétée.
Fun fact : ce retour français intervient alors que l’office siren est déclarée morte ailleurs. On estime carrément que « le conservatisme a tué l’office siren ». Le flirt entre pouvoir et séduction de cette esthétique aurait été atténué par un conservatisme croissant dans la mode, accusé de nourrir le stéréotype nocif de la “secrétaire sexy”. Sur TikTok, les tutoriels expliquent comment rendre ce look "plus corporate", les premières versions pouvant entraîner un renvoi — ou au minimum un avertissement vestimentaire. Mais la siren des nuits parisiennes n’en a cure. D’un côté, elle porte son ambition comme un parfum, et ses blazers à même la peau. De l’autre, elle s’enveloppe de manteaux oversize chinés, portés sur des micro-jupes. C’est une époque où l’on joue avec la mode, où l’on amène en club des tenues inattendues — comme le montre la tendance scandinave du sportswear en bar. Au final, l’office siren n’est pas une tendance, mais un code — sans cesse réinterprété, restylisé, réinventé. À Paris, son pouvoir est dans la contradiction : blazers, chemises boutonnées et lunettes de lecture peuplent encore les clubs français.