
Chanel continue d'investir dans la chaîne d'approvisionnement italienne
La Maison française a acquis 20% de la société florentine Leo France
11 Mars 2025
Si 2024 a été marqué par le changement constant des directeurs créatifs, rendant presque impossible de suivre tous les changements dans la sphère artistique des marques, 2025 s'annonce tout aussi turbulent pour les créateurs. Cependant, des signes émergent d’un déplacement croissant de l'attention vers les opérations de fusions et acquisitions (M&A). Il suffit de penser qu’au début de l’année, l’un des principaux sujets de discussion est la possible acquisition de Versace par le groupe Prada, une opération qui, selon le Financial Times, semble de plus en plus proche. Toujours en Italie, selon Il Sole 24 Ore, à la fin de l'année dernière, Chanel aurait acquis 20 % des parts de Leo France, une importante entreprise florentine leader dans le domaine de la bijouterie, avec laquelle la Maison française collabore depuis longtemps. Il s'agit d'une étape significative pour la chaîne d'approvisionnement italienne, qui, au second semestre 2023, a enregistré un nombre croissant de fermetures parmi les entreprises moyennes et petites. Une donnée évidente également dans l'augmentation des demandes de chômage partiel en 2024, qui ont augmenté de 170 % au deuxième trimestre en Toscane, l'un des principaux centres du Made in Italy.
Selon Il Sole 24 Ore, les parts de Chanel dans Leo France pourraient atteindre 80 % d'ici la fin de l'année. Cependant, la Maison française a rapidement démenti cette hypothèse, précisant que l’opération fait partie d’une stratégie d’investissement ciblée, cohérente avec les collaborations de longue date établies avec ses fournisseurs. Chanel a souligné que le partenariat avec Leo France est le fruit de plus de trente ans de collaboration, fondée sur la confiance mutuelle et des valeurs partagées. C’est cette relation consolidée qui aurait naturellement conduit à l’acquisition d’une participation minoritaire, sans impliquer un contrôle plus large de l'entreprise. La Maison a donc réaffirmé que Leo France continuera à opérer de manière autonome, en maintenant des relations avec tous ses clients et sans subir de changements dans sa gestion, démentant catégoriquement l’hypothèse d’un accroissement de la participation à 80 %.
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Pourtant, ce n’est pas la première fois que Chanel investit dans la chaîne d'approvisionnement italienne. En fait, dans la période post-Covid, le géant du luxe a considérablement renforcé sa présence dans la chaîne d'approvisionnement nationale. L’Italie est en effet le pays où la Maison réalise plus de la moitié de sa production mondiale, grâce à des participations stratégiques allant des chaussures de Roveda et Nillab-Calzaturificio Ballin, aux fils de Vimar 1991 et Cariaggi, de la tricotage de Paima jusqu’à la tannerie Samanta et aux cuirasses Renato Corti et Mabi, y compris le denim de Fashion Art, comme rapporté par MF Fashion. L'entrée de Leo France dans cet écosystème représente un élément supplémentaire de cette stratégie. L'entreprise, qui a clôturé 2023 avec un chiffre d'affaires de 216 millions d'euros (+9 %) et un EBITDA de 63,7 millions (+5 %), occupe actuellement la cinquième position dans le classement 2024 de la chaîne d'approvisionnement italienne établi par MF Fashion en collaboration avec Teha Group.
L’intention de Chanel de continuer à investir dans le Made in Italy pourrait sembler un signal positif pour la chaîne d'approvisionnement italienne, qui a traversé une crise sans précédent au cours des deux dernières années. Cependant, la présence croissante d’une multinationale française dans une industrie qui devrait être l'une des pierres angulaires de l'économie italienne met en lumière combien les interventions du gouvernement pour soutenir le secteur sont encore insuffisantes. C'est ce qu'avait également souligné Carlo Capasa, président de Camera Moda, au début de l’année, commentant l'annonce de l'allocation de 250 millions d'euros pour relancer les entreprises de mode italiennes. Capasa avait reconnu l’utilité de cet investissement, tout en précisant qu’il n'était pas décisif et que la véritable question portait sur les modalités de distribution des fonds. De plus, il avait souligné que la structure actuelle du crédit d'impôt pour la Recherche et le Développement pesait sur les entreprises de mode, espérant une solution alternative, comme le solde et l’annulation proposé par Camera Moda. En l'absence d'un plan structuré et incisif de la part du gouvernement, le risque est que le secteur du luxe en Italie perde progressivement son contrôle stratégique, les maisons internationales ne se contentant plus de commander la production, mais devenant directement propriétaires de celle-ci.