La mode préfère désormais ses logos rétrécis Petit lettrage, grand impact

Lors de la dernière Fashion Week de Paris en octobre dernier, une semaine chargée en attentes, rebondissements mais surtout débuts, l’écosystème de la mode a remarqué une chose : les propositions parisiennes ne puisent désormais plus leur force dans le bruit et l’opulence, mais dans la discrétion, le silence, et surtout les détails. En témoignent notamment les premières collections prêt-à-porter féminines de Jonathan Anderson pour Dior et de Matthieu Blazy pour Chanel, qui bien que chargées en plumes, chapeaux volumineux et traînent longues à n’en plus finir, ont brillé par le petit, voir l’infiniment petit, en présentant des logos discrets, quasi imperceptibles, qui, par leur force tranquille, ont fait presque plus de bruit que certaines manifestations typographiques plus bruyantes du passé. 

À peine passée la porte des ateliers de Dior, Jonathan Anderson a décidé que l'heure était au changement, en donnant au logo de la Maison française une forme nouvelle, ou plutôt nouvellement ancienne. Le designer Irlandais avait en effet fait le choix de tirer un trait sur le logo en majuscule, établi en 2018 par Maria Grazia Chiuri et Kris Van Assche, pour revenir aux bases, les bonnes bases : un logo aux lettres minuscules (à l'exception de son D initial), celui choisi par Christian Dior en 1946.

En ce qui concerne Chanel, nouvellement sous l’égide de Matthieu Blazy, ce n’est pas son double C légendaire qui a subit un régime amincissant, mais bien le lettrage de la Maison Charvet, institution historique qui fournissait ses chemises à la maison de la rue Cambon déjà aux temps de Gabrielle Chanel, avec lequel elle a collaboré à nouveau pour la FW26. Le nom de famille du pionnier de la première chemiserie au monde est en effet apparu sur ses fameuses chemises brodé en cursive, trouvant le parfait équilibre entre subtilité et clin d'œil évident mais pas assourdissant. 

Pourtant même avant ces relookings récents et remarquables, la mode et ses logos étaient déjà passés en mode invisible. Il y a quelques mois, nss remarquait déjà que les logos des plus grands, de Miu Miu à Balenciaga en passant par Louis Vuitton, se défaisaient tout doucement des fils brodés, colorés, bruyants, pour passer à la deuxième dimension en se fondant presque dans le décor, ne faisant plus qu’un avec la pièce sur laquelle ils apparaissaient. La logomania autrefois fiévreuse voire épidémique serait-elle devenue timide ? Selon la Chine et le phénomène de "luxury shame" qui condamne la mode de haut vol depuis plus d'un an, c’est le cas. Selon la France, il s’agirait plutôt d’une nouvelle manière de faire du bruit, mais surtout des vues et des ventes

Cette simplicité retrouvée lancée par la nouvelle garde des directeurs créatifs n’est pas seulement une recherche de discrétion esthétique, mais plutôt le symbole d’un retour aux sources, à l'insouciance du début, à l'esthétique initiale de ces marques historiques et établies à travers une narration certes connue mais pas répétitive, ancrant non seulement le designer de la maison dans l’histoire de cette dernière, mais créant également le buzz grâce à un facteur nostalgie qui ne manque jamais de fonctionner. Ainsi, l'ancien devient le nouveau, la rareté devient abondance, et l'abondance se transforme en ventes.  

Pour les collectionneurs, les pièces des nouvelles collections s’imposent comme des reliques avant même qu’elles ne soient exposées en magasin. Pour la nouvelle clientèle et les nouvelles générations, elles représentent une compréhension particulière de la maison et de son patrimoine sans toutefois tomber dans le désuet, s'inscrivant au contraire parfaitement dans l'air du temps. Une continuité historique qui ne se répète pas mais se réinvente, augmentant ainsi pas seulement la valeur des nouvelles collections mais aussi leur prix de revente. D’autant plus que plus les logos sont petits, plus il est difficile à copier pour les contrefacteurs. 

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Comme quoi une petite nuance typographique peut parfois faire une grande différence, également d’un point de vue juridique, car tous ces nouveaux logos rendent non seulement la vie des falsificateurs plus difficiles, mais aussi celle des vérificateurs d’authenticité. Une lettre plus haute que celle de la collection précédente, un espacement plus large entre les caractères et même un angle légèrement changé peut en effet tout changer. Le travail des vérificateurs humains doit donc être plus englobant : leur analyse ne doit plus se limiter au logo principal, mais s'étendre aux détails temporels, aux indices de production et à l'intégralité du conditionnement. Quant aux systèmes informatisés, ils doivent être soumis à un réapprentissage fréquent, tandis qu'une actualisation de leurs algorithmes et bases de données est indispensable au bon suivi de l'évolution des marques, évitant ainsi de générer des faux négatifs sur des produits authentiques.

Pour Chanel, Dior, et bien d’autres Maisons et leurs logos qui sont passés ou passeront en mode sourdine, ce bouleversement typographique silencieux ne s’impose donc pas seulement comme un détail esthétique minime mais une stratégie bien rodée. Entre la construction d’une force narrative et la création d’une plus-value économique et sentimentale, cette révolution du détail dit, à travers quelques lettres, bien plus que ce que de grandes déclarations débordantes ne réussissent parfois pas à transmettre. Le langage de l’héritage est décidément la lingua franca de l’écosystème de la mode.

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