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Acheter en friperie est vraiment une option si éthique que ça ?

L'envers du décors de la mode de seconde main et ses conséquences globales

Acheter en friperie est vraiment une option si éthique que ça ? L'envers du décors de la mode de seconde main et ses conséquences globales

Depuis quelques années, les friperies ont le vent en poupe, notamment grâce à la Gen Z qui les a rendus populaires avec les réseaux sociaux. Acheter en seconde main est devenu un acte mêlant politique et cool, permettant d’affirmer à la fois son engagement climatique et son style original grâce aux pièces uniques que les fripes proposent. Cependant, est-ce que ces pratiques sont réellement aussi éthiques et durables que ce qu'elles prétendent ? Il y a quelques jours, la chaine d'information France 2 a diffusé un reportage intitulé Very Bad Fripes, dévoilant les zones d'ombre de l'industrie de la seconde main, un secteur pesant aujourd'hui 1,16 milliard d'euros en France, selon L’Écho. Ce reportage résonne avec d'autres enquêtes, notamment celle de The Guardian, qui ont également examiné les dérives de ce marché en plein essor. Au cœur des problématiques soulevées, un dénominateur commun : la gestion des déchets, devenue un véritable défi pour ce modèle pourtant perçu comme plus durable. 

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Car oui, l’industrie de l’occasion textile génère une quantité astronomique de déchets qui se retrouve presque systématiquement dans des décharges des pays du tiers monde. Comme The Guardian l’explique, les boutiques de charité ne vendent que 20% des dons qu’elles reçoivent. Ensuite, ces invendus sont rachetés par des agrégateurs étrangers qui sont exportés dans beaucoup de  cas au Ghana, premier importateur de vêtements usagés. La plupart des articles finissent à Kantamanto à Accra, le plus grand marché de vêtements de seconde main au monde. Une partie des exportations est rachetée par des commerçants qui vont essayer de revendre les vêtements sur des marchés. Cependant, le reste finit comme déchets, usuellement brûlé de manière illégale. Les déchets textiles se retrouvent par la suite dans la rivière Odaw, la lagune Korle et la mer, avant de s'amasser sur les plages, provoquant de graves dégâts environnementaux. En d’autres mots, l’Occident déplace ses déchets dans des pays à ressources limitées, où la population n’a d’autres choix que de se débarrasser des invendus dans son environnement naturel, engendrant de la pollution. 

Une réalité bien éloignée du glamour affiché par certaines friperies, dont la prétendue durabilité et éthique sont aujourd'hui, a fortiori, remises en question. Au-delà des conséquences environnementales, une autre question morale concernant l’accessibilité se pose. De base, les boutiques de seconde main telles que Oxfam ou la Croix Rouge sont destinées à une tranche de la population qui a peu de moyens financiers, leur permettant de s’acheter des vêtements à des prix largement inférieur à la moyenne. Mais aujourd’hui, nous assistons à une sorte de gentrification de ces commerces. Acheter des vêtements d'occasion est devenu tellement tendance que l'augmentation de la demande a entraîné une hausse des prix, rendant ces articles inaccessibles aux personnes en situation de précarité, alors même qu'ils étaient initialement destinés à elles. Sur les réseaux sociaux, des contenus dans lesquels les internautes affichent fièrement leurs achats des friperies les plus cool de la ville affluent, incitant davantage le public à s’y rendre pour qu’il puisse également trouver la perle rare. Ces vidéos, bien qu'elles partent d’une intention innocente, ne font que renforcer la problématique. 

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Toutefois, il ne s’agit pas de pointer du doigt le fait d’acheter en seconde main ou donner ses pièces usagées à des magasins de charité comme l’incarnation du mal. Loin de là, ces alternatives sont préférables à se fournir régulièrement auprès des marques de fast fashion. Or, l’enjeu fondamental s’agit de la surconsommation. Que ce soit dans la mode rapide ou dans la seconde main, le problème majeur est le fait d’acheter des pièces qu’on ne portera que quelques fois et qui finiront aussitôt dans les déchets. Peut-être qu’il est plus responsable d’ acheter un t-shirt H&M qu’on portera pendant des années plutôt qu’une blouse Vinted qu’on ne portera que 2-3 fois avant de l’abandonner? À ce jour, « mode éthique » paraît presque être un oxymore. L’industrie doit davantage fournir des efforts pour définir cette dernière qui mêle éthique, accessibilité et inclusion