The Bear et la masculinité émotive de Carmy Dans la quatrième saison de la série, moins de logos et plus d’authenticité
L'une des premières choses que Carmy fait dans la quatrième saison de The Bear, c’est sourire. Ce n’est pas une légère courbure des lèvres, c’est un vrai sourire. Il n’est pas souligné avec insistance par le réalisateur Christopher Storer, également créateur de la série culte culinaire, en co-réalisation du premier épisode avec Duccio Fabbri, mais il est bien là et évident. Ce sourire apparaît dans un train qui traverse la ville de Chicago : le ciel est couvert et la lumière, derrière les nuages, réchauffe son visage tout en apaisant un peu le chaos qui le tourmente. C’est sur cette image que repose toute l’évolution du protagoniste de la série, qui a bien pris quatre saisons pour changer profondément. Le développement et la transformation de Carmen Berzatto sont sans aucun doute le leitmotiv du retour de la série, qui trace une ligne droite depuis le premier épisode jusqu’à son épilogue libérateur et douloureux, incroyablement cohérent dans le chemin que le personnage a lui-même décidé d’emprunter : affronter la peur et franchir les frontières qu’il s’est imposés. Les abattre, même. Faire en sorte qu’ils ne soient plus un bouclier entre lui et les personnes qui l’entourent, aussi perdues que lui mais capables de faire semblant d’aller bien, comme on le lui répète plus d’une fois.
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C’est au sentiment constant de danger que Carmy veut échapper. Son objectif principal n’est plus de créer le plat parfait, mais d’arrêter de fuir les difficultés qu’il a toujours tenté d’éviter grâce à la cuisine. C’est un chemin intérieur, étrangement peu bruyant, qui attend le protagoniste dans cette nouvelle saison – même si quelques cris persistent – et la diffusion de Un jour sans fin dans le premier épisode est donc paradigmatique, un thème qui établit la tonalité de toute la saison. Le désir du protagoniste de briser la routine faite d’anxiété, de cris, de ressentiment et d’incapacité à communiquer avec les personnes autour de lui prend le dessus sur les fourneaux. Le chef incarné par Jeremy Allen White veut montrer son engagement aux autres, et pour cela, en plus du sourire, il y a autre chose que Carmy fait plus que jamais cette saison : il parle. Il parle beaucoup, bien plus que ce à quoi nous étions habitués.
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— dhanush (@spunchbawbII) June 26, 2025
Tout au long de la quatrième saison, le cuisinier Berzatto est accompagné d’une grande cohérence de caractérisation et d’écriture. Le nouveau chapitre de la série est fait de défis, de tentatives d’ouverture et de rupture des schémas, mais il est surtout centré sur une recherche de ce qui effraie peut-être le plus le protagoniste : la paix. C’est ainsi que nous voyons Carmen, replié sur lui-même depuis toujours – une posture inclinée qu’Allen White adopte pour refléter la manière d’être du personnage – tenter de se redresser, de résister, de rester. Même à abandonner son uniforme de combat, le t-shirt blanc devenu une marque de fabrique de la série ; dans le septième épisode, au mariage de Tiff, il porte un simple costume au style plus frais et moins travaillé par rapport à la saison précédente. Et c’est paradoxal mais si clair que, pour pouvoir rester, il faut parfois faire un pas en arrière. Carmy le fait avec Sydney, à qui il laisse l’espace nécessaire pour devenir la meilleure version d'elle même professionnellement. Il le fait avec Claire, à qui il parvient enfin à demander pardon. Il le fait également avec sa mère DD, avec sa sœur Sugar et, surtout, avec le cousin Richie qui, avec Carmen, est le personnage qui a le plus déconstruit son moi intérieur pour en faire émerger sa meilleure version.
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— Harry (@hdwmovies) June 26, 2025
C’est en effet une déconstruction du masculin que The Bear a menée silencieusement (mais pas tant que ça) au fil de ses épisodes, depuis sa sortie. L’entêtement à ne pas vouloir affronter ses propres troubles mais, au final, savoir se calmer et accepter ses émotions. Les pertes, la perfection atteinte puis gâchée, l’insatisfaction et le syndrome de l’imposteur sont les manifestations d’une inquiétude à laquelle le personnage a compris qu’il ne peut plus échapper, car elles le poursuivront toujours. Et surtout, d’une sensibilité qu’il parvient enfin à accepter. Qui peut-être lui fait tout ressentir trop fort, de la perte irrésolue de son frère à sa relation brisée avec sa mère. C’est le personnage secondaire de Bob Odenkirk, oncle Lee, qui verbalise ce que tout le monde pense tout bas : comme sa mère, Carmy ressent trop. « Vous êtes tous les deux très sensibles. Vous êtes tous les deux très profonds. » Une intensité qui semble parfois impossible à gérer. Alors on élève la voix, on nie ses sentiments et on se replie dans les chambres froides. Mais plus maintenant, pas dans la quatrième saison de The Bear.
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— el (@gir1dinner) June 27, 2025
Assister au changement de Carmy à l’écran est émouvant. Le protagoniste sort de sa coquille et s’ouvre au monde non seulement à travers le sourire filmé dans les premières scènes, mais tout au long de la saison : il s’efforce de s’exprimer, de parler aux autres, il est sincère envers ceux et ce qu’il aime. Jeremy Allen White concentre toute la tension, le stress, la résistance dans ses mains. Elles tremblent, se raidissent, canalisent la nervosité de Carmy. Mais au moins, il reste là. Les mains pourraient fuir, se perdre, s’envoler, mais le personnage, ses pieds, sont ancrés au sol, décidés à rester. Au moins aussi longtemps que nécessaire. À se montrer, enfin. À parler. Fini la peur de l’émotion, fini de la refouler de la mauvaise manière, mais la canaliser de la manière la plus saine. Comme un plat sain, savoureux et bon pour la santé. Qui demande peut-être plus de temps de préparation, mais pour lequel il vaut la peine de s’engager.