A Guide to All Creative Directors

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Enzo est un drame social qui allie délicatesse et désillusion

Chaleur, corps et sentiments : l’été d’un jeune protagoniste à la recherche de sa place

Enzo est un drame social qui allie délicatesse et désillusion Chaleur, corps et sentiments : l’été d’un jeune protagoniste à la recherche de sa place

Il fait chaud dans l’été d’Enzo. Les corps des maçons se couvrent de chaux et de sueur alors qu’ils construisent une nouvelle villa dans la commune maritime de Ciotat, près de Marseille. La chaleur monte, que ce soit à cause de la canicule sous le soleil ou de la proximité du protagoniste, qui donne son nom au film, avec les corps de ses collègues. Un en particulier : le jeune Vlad, d’origine ukrainienne, ayant fui son pays où ses amis vivent encore et luttent, à la recherche d’une vie meilleure. Mais la chaleur, qui peut monter à la tête, est aussi synonyme de l’agitation intérieure d’Enzo et de sa jeunesse, surtout lorsqu’il doit se confronter à ses parents, à son père notamment, et à leur condition de famille privilégiée. Décidé à être utile, à revenir à l’essentiel et à se salir les mains pour fuir lui aussi une normalité prédéfinie, le garçon rejette les conforts que sa classe sociale lui a offerts pour se consacrer à quelque chose de plus pratique, de plus concret, même s’il ne semble pas en être capable. 

Le concept de fuite est au cœur du film de Robin Campillo, écrit avec Laurent Cantet et Gilles Marchand, si éloigné entre les personnages d’Enzo et Vlad, mais si semblable dans cette manière que nous avons tous de toujours tenter d’échapper à nous-mêmes pour inévitablement y revenir. Gâté comme seuls les jeunes privilégiés savent l’être, le protagoniste incarne parfaitement le jeune impatient qui rejette son confort, mais uniquement parce qu’il est incapable de s’imaginer sans cette ancre à laquelle il pourrait s’accrocher. Contrairement aux conséquences que subirait Vlad en retournant dans son pays en guerre, où ses proches périssent et où les perspectives d’avenir sont moins prometteuses que celles d’un simple maçon dans un autre pays. La différence entre les protagonistes les fait se rencontrer au milieu. Dans leur éloignement respectif de leur statut quo, si différent l’un de l’autre, ils peuvent créer un lien qui habite une dimension personnelle, dans un ordre inédit des choses. 

Et, dans cette relation, il y a encore des malentendus, des différences imprévues. Il y a l’attirance d’Enzo pour son collègue plus âgé, une exploration de sa propre sexualité, de ses intérêts, de ce qui l’excite et le comble, pouvant expérimenter librement tout ce qu’il veut avec l’accord total de sa famille. De l’autre côté, il y a la réticence de Vlad et de son héritage, de ce que son nouvel environnement attend de lui, de l’ostentation d’une virilité physique et machiste qui cache les fragilités, et qui sait tout ce que cela peut aussi taire en termes de sentiments. Un rapprochement constant et des frictions qui font d’Enzo l’été des découvertes, l’été des coups de tête, l’été où l’on commence à comprendre un peu plus qui l’on devient, mais peut-être pas tant que ça. C’est la rébellion que seul un jeune bourgeois peut se permettre et les précautions qu’un immigré avec un certain passé doit maintenir pour survivre. Et, entre ces pôles opposés, se situe avec insolence et tendresse Enzo, des tonalités avec lesquelles Campillo raconte son histoire tout en passant à son spectateur la loupe pour observer les états d’âme silencieux mais puissants de son protagoniste.

Avec le débutant Eloy Pohu dans le rôle d’Enzo et l’objet de son désir interprété par un musculeux Maksym Slivinskyi, le film de Robin Campillo commence avec la construction de quelque chose de nouveau (la villa sur laquelle les deux travaillent) pour bâtir là où l’on cherche à fuir les décombres (l’Ukraine en guerre avec la Russie) ou pour bâtir quelque chose de neuf (l’objectif du protagoniste). Choisi comme film d’ouverture de la section de la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes, avec également au casting Élodie Bouchez et Pierfrancesco Favino, Enzo représente l’état de nature dans lequel nous naissons et ce que nous pouvons et voulons devenir en puissance. Autonomes et détachés, libres et indépendants. Fiers et heureux de ce que nous avons. Mais avec un arrière-plan qui nous enferme comme le fait ce même drame social, délicat certes, mais ô combien réaliste et désabusé.