5 raisons de se réjouir du retour de Christian Lacroix

Le monde de la mode a tremblé début janvier, lorsque l’annonce du rachat de la marque Christian Lacroix par le groupe espagnol Sociedad Textil Lonia (STL) est tombée. Oui, les années ont passé depuis le dernier défilé du créateur sans que jamais le souvenir de ses collections ne s’estompe. Au contraire, alors même que le Quiet Luxury vit un âge d’or, la nouvelle d’un potentiel retour de Christian Lacroix, pape de l’ornement, semble un souffle d’air frais pour toute une catégorie de fashion enthusiasts pris de "minimalist fatigue". Alors, sans s’avancer sur les retombées concrètes d’un tel rachat, voici 5 raisons de crier « Alléluia » quand l’on entend revenir le messie Lacroix.

1. Éclatant maximalisme

Mêlant couleurs, textures, drapés, motifs, Christian Lacroix n’a jamais reculé devant la surenchère ornementale. Au contraire : le maître français fait de l’entrelacement chamarré son chef d’œuvre, parvenant à ne jamais tomber dans l’écœurement. La clef de cette réussite réside dans la délicatesse de sa vision, œuvrant toujours pour un parfait mariage de teintes et de matières. Véritable couturier de la couleur, son goût de l’ornement dépasse la mode en empiétant sur les plate-bandes de la décoration, avec du papier peint ou bien du linge de maison signé Lacroix. Après l’arrêt de son activité de designer, c’est l’artisanat décoratif qui a su perpétuer son œuvre infiniment ornemental, continuant à faire vivre le « style Lacroix » au-delà de la couture. En 2023, alors que le film Barbie faisait advenir un raz-de-marée rose sur la mode, rappelant le Valentino Pink de PierPaolo Piccioli, et le maximalisme coloriel redevenait un incontournable de l’univers fashion et de la pop culture. Un coup dans l’aile pour le normcore beige qui avait participé à définir l’esthétique des années 2010. Désormais le monde de la mode est à nouveau à point pour accueillir à nouveau l’avalanche chamarrée signée Lacroix.

2. La mode comme spectacle 

Bercé par des études d’histoire de l’art, puis plus tard par sa proximité avec le monde du théâtre, Christian Lacroix a su faire de la mode un terrain de jeu dramatique. L’histoire d’une folle romance entre un couturier et le catwalk pensé comme une scène. Chaque look devenant, de la tête aux pieds, un spectacle, où l’œil ne cesse de s’émerveiller. En 1996, alors l’âge d’or de sa carrière de couturier, il continue d’explorer sa passion pour le théâtre et reçoit à cette occasion un Molière du Meilleur Créateur de Costumes pour Phèdre. Le théâtre est une continuité dans la carrière du couturier, il déclare même en 2017 au micro d’Augustin Trapenard dans l’émission Boomerang : « Le théâtre est pour moi, le vrai monde : je ne me considère pas comme un couturier. » La théâtralité qui accompagne ses créations, se traduit également par ses multiples inspirations historiques : la cour de France du XVIIIe siècle, celle d’Espagne, le Moyen-Age – on pense par exemple au défilé FW88 et ce look rappelant Katherine Hepburn en Aliénor d’Aquitaine dans Le lion en hiver. Si cette théâtralité a fait la marque Lacroix durant deux décennies, comment survivrait-elle à la tendance actuelle ? La réponse se cache probablement dans la réception plus que favorable de la collection SS25 Couture de Valentino, dont les robes, véritables carnavals de couleurs et inspirations historiques, laissent présager un accueil favorable à l’hypothétique retour du spectaculaire Lacroix.

3. Tayloring grandiose

Si les looks Lacroix sont tout un spectacle, ses formes sont sculpturales : tayloring dramatique, corsets, crinolines … Le volume est exagéré sans jamais que le show devienne un cirque. Tout est précis, structuré, permettant des coupes exubérantes et de haute volée. Lors du dernier défilé couture de Christian Lacroix en 2009, la mode est à l’aube d’une nouvelle révolution –  dans la décennie qui suit, le monde voit éclore le Luxury Streetwear. C’est l’avènement de Virgil Abloh, du Balenciaga de Demna… Le tayloring Lacroix semble d’un autre temps, dépassé. Mais toute révolution obéit à la loi de l’éternel retour et en 2019, pour sonner le glas de cette décennie streatwear, Daniel Roseberry fait ses premiers pas en tant que directeur artistique de Schiaparelli, ouvrant la voie au retour de la silhouette corsetée. Alors si l’on se plaît à imaginer un retour de Christian Lacroix – aucun doute que les corsets qui ont fait sa renommée se verraient de nouveau plébisciter, comme le prouve l’apparition de Mona Patel aux British Fashion Awards habillée d’un corset Christian Lacroix vintage issu de la collection couture 1996.

4. Bijoux baroques

Si le nom Christian Lacroix résonne encore autant plus d’une décennie après sa dernière collection, c’est aussi pour le soin apporté aux bijoux et aux accessoires qui ont fait sa renommée. L’opulence des chapeaux, colliers, gants, ceintures, pour ne jamais s’excuser de trop d’ornement : comme une preuve que pour Lacroix, "more is more beautiful". Les bijoux font partie intégrante de l’ADN de la maison, la première collection étant lancée en 1989, un an seulement après le prêt-à-porter. La frontière même entre l’accessoire et le vêtement est fine chez Lacroix : broderies, perles, croix cousues à même les robes… Le textile et le bijoux ne font qu’un, participant à la définition même du look Lacroix, qui ne saurait faire l’économie d’un myriade d’accessoires.

5. La joie Lacroix

Enfin ce que l’on retient de Christian Lacroix c’est sa joie, un sourire qui ne vieillira jamais. L’audace de la création qui émerveille, qui surprend, qui émeut. Et si la mode est une affaire personnelle, la joie Lacroix est universelle. Alors comment ne pas sourire dans l’éventualité d’un retour de ce metteur en scène de la couture, dans ce climat politico-économique pour le moins lugubre, où la mode se pose encore et encore interminablement la question de son rôle au sein de la société : faire rêver, éblouir, réjouir ?

Alors, en attendant d’en savoir plus sur l’hypothétique retour de la mode Christian Lacroix, il est bon de se replonger dans les archives de l’œuvre d’un grand de la mode française, et redécouvrir la richesse de ses créations. Et surtout, en ce début d’année 2025 de constater à quel point le style Lacroix semble en adéquation avec l’époque, éprise de couleurs, grandiose, et de ce spectacle que peut être la couture. En espérant un jour revoir défiler les pièces d’un designer pour qui la féminité est autant affaire d’extrême raffinement que d’exubérance.