
Avec IM MEN, Issey Miyake revient pour émerveiller Paris
Nouvelle ligne, nouveau chef-d'œuvre
24 Janvier 2025
Su Shan Leong
Hier, la collection FW25 de IM MEN a fait ses débuts officiels à Paris, prenant la place autrefois occupée par Homme Plissé Issey Miyake sur les podiums de la mode – ce qui ne signifie pas que Homme Plissé Issey Miyake ait disparu, mais simplement qu’il se présentera désormais dans des formats plus intimes tandis que la lumière des projecteurs sera dirigée vers cette ligne au caractère plus avant-gardiste. Présentée dans le cadre enchanteur du Réfectoire des Cordeliers, un ancien monastère du XVIe siècle, le défilé a marqué le début d’un nouveau chapitre pour l’héritage du regretté maître Issey Miyake, qui, on peut le dire, ne pourrait pas être entre de meilleures mains. IM MEN représente la dernière grande création du génie japonais, initiée peu avant sa disparition en 2022. La marque est née de l’union de trois designers : Sen Kawahara, Yuki Itakura et Nobutaka Kobayashi, qui ont collaboré avec Miyake pour développer une vision plus avancée et innovante du prêt-à-porter masculin, basée sur le concept clé de sa philosophie : "A piece of cloth" (un morceau de tissu), pierre angulaire sur laquelle le regretté créateur, son vaste équipe et ses successeurs ont bâti l’édifice complexe des lignes et des propositions de la marque, allant de la mode au design d’intérieur. Dans cette collection, le tissu devient le point de départ pour une redéfinition de l’habillement, alliant artisanat, ingénierie et une liberté créative sans limites. Fidèle à la signature de la marque, le mouvement libre du corps dans les vêtements a également été au cœur de la présentation d’hier, où les mannequins ont couru sur le podium en dénouant et rattachant les vêtements, révélant ainsi leur architecture légère et ingénieuse. L’idée de mouvement a également été explorée à travers l’installation du designer Tokujin Yoshioka, qui a orné le lieu d’énormes bras robotisés soulevant des panneaux noirs selon des mouvements hypnotiques.

Mais venons-en à la collection. Les pièces du défilé, comme on pouvait s’y attendre, ont exploré la frontière entre mode et sculpture, jouant avec l’espace vide entre le corps et le tissu, qui, au fil des mouvements des mannequins (qu’il s’agisse de marcher, courir ou danser), prenait différentes formes et, selon la construction des pièces individuelles, dévoilait de nouvelles fonctionnalités. Comme toujours, cette recherche sur le "flux" des vêtements autour du corps humain s’appuyait sur une recherche technique approfondie sur les matériaux, dont beaucoup sont durables, comme le polyester végétal et une sorte de daim artificiel nommé Ultrasuede. Ces matériaux ont été coupés et assemblés selon des principes multifonctionnels, apportant aux mannequins des manteaux réversibles, des vestes avec panneaux modulaires et des rembourrages amovibles. Les diverses possibilités d’assemblage et de réassemblage des vêtements, et en général leur adaptabilité, ont été réparties en plusieurs séries de design, chacune portant un nom différent. La plus notable s’appelait “Flat Drape” et comprenait des vêtements en tissu léger dont les drapés naissaient de formes géométriques précises pour devenir des silhouettes douces et fluides. Les pièces de la série “Wall”, quant à elles, réinterprétaient les vêtements d’extérieur en utilisant les panneaux intérieurs pour créer des structures tridimensionnelles, tandis que “Heron”, une série de vêtements réalisés en Ultrasuede, comprenait des pièces perforées. Les séries “Switch” et “Metallic Ultra Boa” expérimentaient avec le nylon et des finitions métalliques, tandis que la série “Kasuri” réinterprétait la technique de tissage éponyme en utilisant des fils de coton pré-teints pour créer des motifs en dégradé.
Il était cependant inévitable que l’on compare les deux présentations : celle, nouvelle, de IM MEN, et celle classique de Homme Plissé Issey Miyake. Si la philosophie qui anime la marque et ses différentes branches possède une unité indéniable, le nouveau IM MEN apparaît assurément plus structuré que Homme Plissé, dont les présentations de prêt-à-porter masculin conservaient une certaine concrétude tout en ayant un éclat plus diffus. La nouvelle ligne, bien que «volant vers les hauteurs avec légèreté», propose un design plus déterminé et concret, tout en restant tout aussi ingénieux. Les volumes sont nettement plus pleins et sculpturaux, tandis que le type de superposition présenté, avec son architecture complexe, s’est révélé particulièrement captivant, notamment dans les premiers looks entièrement blancs apparus sur le podium. En revanche, des éléments de continuité étaient évidents : le goût pour un drapé élaboré et presque abstrait, toujours très évocateur, et bien sûr l’utilisation magnifique de couleurs simples mais riches. Autre point intéressant : la variété des textures présentées, des plus solides des vestes en Ultrasuede aux plus douces des vêtements rembourrés, en passant par les surfaces scintillantes et synthétiques de certains ensembles veste et pantalon au design anguleux, et la densité des deux looks blancs et noirs, où une couverture semblait être portée ou drapée sur le bras comme une cape ou enveloppée autour du corps comme un hybride entre une étole, une écharpe et un manteau. On comprend donc, à travers la richesse de cette nouvelle ligne, pourquoi la marque a décidé de remplacer la présentation classique et toujours magnifique de Homme Plissé Issey Miyake par celle de IM MEN, qui mérite assurément une position de premier plan dans le vaste panorama que constitue l’univers créé par Issey Miyake.