Vedi tutti

Melania Trump, nouvelle icône de mode ou miroir des tensions politiques ?

Quand le choix d’un designer devient une déclaration publique

Melania Trump, nouvelle icône de mode ou miroir des tensions politiques ? Quand le choix d’un designer devient une déclaration publique

Entre le scandaleux et très grave salut nazi d’Elon Musk et la présence de Bernard Arnault et des ses enfants aux premières loges, la cérémonie d’investiture de Donald Trump tenue hier au Capitole à Washington a bien fait parler d’elle. Mais une chose (ou plutôt une tenue) à tout particulièrement retenu l’attention des spectateurs : celle de la première dame Melania Trump, et en particulier le chapeau qui la complétait. L’ensemble bleu marine décoré du fameux chapeau à la Geneviève de Fontenay que la première dame américaine portait hier soir est une création personnalisée réalisée par le créateur new-yorkais Adam Lippes, dont la maison à la réputation de refléter une vision sophistiquée du sportswear américain. Un choix de créateur bien réfléchi, montrant au peuple américain non seulement que la première dame pourrait potentiellement aborder une nouvelle approche vestimentaire durant ce nouveau mandat, mais surtout qu’elle compte bien soutenir  son pays et ses maisons de mode. Serions-nous en train d'assister à une nouvelle ère de Melania Trump et de la représentation de la mode. 

En 2017, dès l’investiture, les choix vestimentaires de Melania Trump et de son époux donnaient déjà l’impression qu’ils souhaitaient prouver quelque chose. Il ne s’agissait pas seulement d’afficher une élégance irréprochable — ce qui, pour Melania, ancienne mannequin, n’a jamais été un problème — mais aussi de démontrer qu’ils pouvaient incarner l’image d’une famille présidentielle typiquement américaine, unie et respectable. Grâce à sa position, Melania peut en effet profiter de ce qui reste l’une des plus grandes vitrines de la mode américaine pour ajuster sa stratégie vestimentaire et la rapprocher de celle des Premières dames qui l’ont précédée. Ce repositionnement stylistique pourrait également favoriser une perception médiatique plus positive et lui permettre d’être vue comme une figure indépendante, à l’image des Premières dames emblématiques du passé. Toutefois, les tensions passées entre l’administration Trump et l’industrie de la mode pourraient compliquer cette démarche. 

Car si Melania semble désireuse d’utiliser la mode pour monter dans l’estime des électeurs, il semblerait qu’elle reste encore bien basse dans le cœur de certaines créateurs. « Je n’ai aucun intérêt à habiller Melania Trump », avait déclaré Marc Jacobs en novembre 2016 dans une interview pour WWD. Il avait ajouté qu’il préférait consacrer son énergie à aider les personnes touchées par les politiques de Trump et de ses partisans. D’autres figures influentes de la mode new-yorkaise, comme Phillip Lim et Derek Lam, avaient également exprimé leur refus d’être associées à la famille Trump. Pourtant, pour des marques comme Adam Lippes, qui cultivent une esthétique élégante et haut de gamme, habiller Melania Trump semble pourtant tout naturel. Un porte-parole d’Oscar de la Renta — maison qui a récemment habillé la seconde dame Usha Vance pour un dîner du vice-président, ainsi qu’Ivanka Trump lors d’un autre événement — a affirmé à CNN que la marque était toujours honorée de répondre à une demande de la Première dame des États-Unis, ajoutant que leur mission consistait à « lui permettre de se sentir au mieux de sa forme, peu importe les considérations politiques ». L’éventuelle adoption d’une nouvelle stratégie stylistique par Melania Trump ne signifierait pas que les créateurs ayant choisi de travailler avec elle ont renoncé à leurs valeurs. En réalité, l’opinion publique et l’industrie ne devraient pas être surprises si la mode accueille Melania Trump différemment cette fois-ci.  

Pour l’industrie de la mode, refuser de s’aligner sur des valeurs conservatrices peut toutefois entraîner une aliénation d’une partie de sa clientèle. Les créateurs redoutent, à juste titre, de s’éloigner de leur communauté progressiste composée de collègues stylistes, rédacteurs et influenceurs. Mais la mauvaise presse — ou même l’absence de couverture médiatique — n’efface pas la réalité : en tant que figure publique, Melania Trump bénéficie d’une visibilité auprès d’un large public de consommateurs souvent ignoré par l’élite de la mode. Comme en témoignent les commentaires sous les publications d’Oscar de la Renta, qui partage des clichés de la fille ou de la femme de Trump, les consommateurs restent très attentifs aux marques et à leurs prises de position politiques. Espérons donc que le secteur continue de défendre des positions fermes contre le racisme, la xénophobie, la transphobie et la misogynie, même s'il serait naïf d’ignorer qu’une large partie des États-Unis soutient Donald Trump. Si cette administration et ses choix vestimentaires suscitent encore des débats, une chose est sûre : la mode, en tant que reflet de la société, est intimement liée aux évolutions politiques et culturelles.