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La nouvelle série sur Karl Lagerfeld est-elle bonne?

Disponible sur Disney+ depuis ce weekend, “Becoming Karl” raconte les débuts du designer à Paris

La nouvelle série sur Karl Lagerfeld est-elle bonne? Disponible sur Disney+ depuis ce weekend, “Becoming Karl” raconte les débuts du designer à Paris

L'année 2024 est celle où le monde de l'audiovisuel a découvert la mode. Si dans le passé les biographies des grands créateurs étaient rares et espacées les unes des autres, à l'exception de 2014 où deux films sur la vie de Saint Laurent sont sortis, cette année nous a offert la biographie de Cristobal Balenciaga, les péripéties (hautement romancées et manipulées) de la relation entre Dior et Chanel pendant la Seconde Guerre mondiale et, ce week-end, l'histoire de Karl Lagerfeld sous forme de la mini-série Becoming Karl. Les épisodes de la série suivent l'histoire d'un Lagerfeld déjà mature, interprété par le brillant Daniel Brühl, naviguant entre une carrière qui le voit comme un symbole du prêt-à-porter en ascension, la complexe affaire sentimentale qui le lie à Jacques de Bascher et la rivalité avec Yves Saint Laurent. C'est une série qui tente de capturer un moment de transition complexe, comme par exemple dans la scène où Lagerfeld compare le succès de son prêt-à-porter chez Chloé à l'avancée de la bourgeoisie, remplaçant l'aristocratie mourante de la haute couture. Mais la série essaie également de définir la dynamique des influences qui anime le système de journalistes, entrepreneurs et designers; ainsi que les complexités humaines, les rivalités et les querelles privées qui animent encore aujourd'hui l'industrie.

Un point très intéressant des deux premiers épisodes de la série est la discussion sur l'identité féminine dans la mode : d'un côté, Lagerfeld dit que «la mode n'a rien à voir avec les femmes, sinon il n'y aurait pas autant de gays dans l'industrie», ce à quoi répond à distance le personnage de Marlene Dietrich qui, refusant de porter une création de Lagerfeld, lui rappelle qu'un designer «est un miroir de la femme qu'il habille : tu existes seulement si le reflet dans le miroir me plaît». Comme nous le disions, la série capture le passage de la mode de la haute couture au prêt-à-porter, en présentant initialement Lagerfeld comme un fier mercenaire de la mode, adoptant des styles et des esthétiques différents selon ses dessins pour Chloé, Fendi et d'autres marques de mode. Son ambition est cependant de devenir un "auteur" : on entame à un moment donné une discussion quant au nom à attribuer à sa ligne pour Chloé, entre lui qui souhaite que son nom apparaisse en lieu premier et Gaby Aghion qui veut que le nom de la marque apparaisse d'abord. Lorsque Lagerfeld aura l'occasion de rencontrer Marlene Dietrich pour lui dessiner une robe qui pourrait être un tournant pour sa carrière, la diva allemande le refroidit par une question brutale : «As-tu un style ?» Pour toute réponse, Lagerfeld prend un carnet et dessine sur le moment une robe différente pour chaque “ère” de la carrière de Dietrich. 

Une autre allusion astucieuse à la méthode de travail de Lagerfeld, dépourvue d'un centre esthétique précis et plus encline à un total éclectisme. Pour le Lagerfeld de la série, la mode «est une manière d'incarner le zeitgeist, de refléter la véritable nature de la société» qui a donc autant de variations que de moments que vit la société elle-même. La série aborde également la complexe psychologie de Lagerfeld, un homme dont la vie est largement documentée en public mais beaucoup moins en privé, et qui, même pour ses pairs dans la série, reste une créature énigmatique. De sa manie à tout contrôler qui le pousse à être chaste afin de ne pas être déséquilibré envers ses amants, à sa tendance à noyer ses chagrins dans les sucreries, en passant par diverses fixations sur les vêtements, Lagerfeld est dépeint comme un homme très rigide dans sa quête de crédibilité, parfois brusque et obstiné dans la gestion des conflits avec les autres, incapable (à la fois métaphoriquement et littéralement) de “se déboutonner” et s'ouvrir aux autres. À un certain moment, Gaby Aghion, devinant sa volonté de devenir unique directeur créatif de Chloé, lui demande d'être franc, mais ayant du mal à déclarer ce qu'il veut, il prétend presque pousser Aghion à lui proposer un poste et, seulement à la fin, cédant, admet qu'il nourrit cette ambition. 

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S'il y a toutefois une chose que la série n'aborde pas, ce sont les aspects controversés de la vie du designer et de ceux qui l'entouraient. Le cas le plus évident est celui de Jacques de Bascher, personnage dépeint sous un jour, beaucoup plus humain que celui sous lequel l'a représenté Bertrand Bonello dans son superbe biopic Saint Laurent. La série contextualise beaucoup la débauche de la vie sexuelle de De Bascher, qui n'est pas dépeint uniquement comme une sorte de vulgaire sexomane, mais comme une personne dotée de doutes et de complexités. Néanmoins, il n'est fait mention nulle part du fait que De Bascher est mort du SIDA à 38 ans, après des années de drogue et d'excès ; de même, il n'est mentionné nulle part la tendance de Lagerfeld à falsifier son âge et ses origines, affirmant descendre de la noblesse allemande et suédoise (les parents de Lagerfeld étaient allemands et son père était d'ailleurs membre du parti nazi). Le reste des controverses qui ont entouré le designer se sont produites après les années 2000, et donc bien après les faits décrits dans la série - mais même si le lien complexe du designer avec la nourriture est montré, on ne parle pas de la manière dont Lagerfeld aimait critiquer le physique de ceux qui l'entouraient. Que de choses que les critiques outre-Atlantique ont pris très à cœur, mais qui adhèrent en réalité à l'intention des auteurs de décrire une parabole artistique et professionnelle et non de faire une chronique piquante des excès d'une certaine époque. Pour quiconque n'étant pas familier avec le monde des grands créateurs d'autrefois ou les dynamiques de la mode, Becoming Karl est un excellent cours intensif. Mais personne ne s'attend à entendre l'exclamation à la Andersen : «Le roi est nu !».