Cate Blanchett et les stars qui abandonnent le métier d'acteur

Un monde du cinéma et des séries sans Cate Blanchett est un monde qui n’a pas de sens. Dans une récente interview à Radio Times, l’actrice deux fois oscarisée – en 2005 pour The Aviator et en 2014 pour Blue Jasmine – a réaffirmé sa volonté de bientôt quitter les écrans. Oui, réaffirmé, car ce n’est pas la première fois que la diva australienne exprime le désir de dire adieu à la comédie. C’était en 2019, lorsqu’au cours d’une conversation avec Julia Roberts pour le magazine Interview, elle déclara se sentir proche de ces collègues qui, à un âge avancé, répètent qu’ils veulent arrêter. « Je comprends maintenant que c’est parce qu’ils veulent garder un lien avec leur dernière parcelle de santé mentale », admit-elle en regardant en arrière sur ce qu’elle ressentait étant plus jeune, à l’aube de ses cinquante ans. Mais il est vrai aussi que beaucoup d’acteurs parlent sans agir, plus parce qu’ils doivent continuer à payer les factures que par réelle volonté de poursuivre leur métier. La première, c’est Blanchett elle-même, qui après les derniers signes d’un départ d’Hollywood, a été la protagoniste de la série Disclaimer, de l’adaptation du jeu vidéo Borderlands et du film d’espionnage Black Bag de Steven Soderbergh. Sans compter les projets à venir, comme le déjà tourné Father, Mother, Sister, Brother de Jim Jarmusch et Alpha Gang de David Zellner en production avec Channing Tatum, Léa Seydoux, Dave Bautista, Steven Yeun et Zoë Kravitz. 

Souvent, ce n’est pas simplement une question de gagner sa vie qui pousse les acteurs à continuer, mais un amour – et dans ce cas précis aussi un talent – impossible à réprimer. Il est cependant intéressant de considérer combien d’acteurs, au fil de l’histoire du cinéma, ont choisi de partir avant l’heure. Très souvent, des noms prestigieux, de ceux qu’on voudrait voir encore et encore à l’écran. Parmi les plus récents, on retrouve un Daniel Day-Lewis qui est resté bien loin de l'industrie pendant sept ans avant de revenir tourner, toujours avec une motivation précise. En effet, l’acteur n’a pas accepté un film au hasard, mais le premier long-métrage de son fils Ronan, qui après avoir réalisé un court-métrage et un clip musical, s’apprête à faire ses débuts avec Anemone, un scénario signé avec son père. Seul l’amour d’un père pouvait ramener l’acteur, lauréat de trois Oscars (My Left Foot, There Will Be Blood, Lincoln), devant la caméra, d’où la question de savoir si le retour de Daniel Day-Lewis est une comète passagère ou une réelle reprise de carrière, momentanément interrompue après Phantom Thread de Paul Thomas Anderson en 2017. Ce ne serait pas la première fois : il est bien connu que la star, au tournant des années 2000, fit une pause dans la frénésie hollywoodienne en se réfugiant dans un atelier à Florence pour devenir cordonnier gratuitement. Une pause alors plus courte que celle observée jusqu’à maintenant, ou que les dix ans que s’est accordée Cameron Diaz depuis 2014 avant de revenir en 2025 avec la comédie Netflix Back in Action – et dire que le film du retour au cinéma de Day-Lewis fut Gangs of New York de Martin Scorsese, où l’actrice figurait aussi au casting. 

Diaz, dont le dernier rôle remontait à la comédie musicale Annie, a déclaré que ses dix années loin du jeu avaient été les meilleures de sa vie, mais poussée par son mari Benji Madden et une passion renaissante pour la comédie, elle a décidé de se donner une seconde chance, au point d’avoir déjà en projet Outcome réalisé par Jonah Hill, actuellement en post-production, et le doublage de son retour dans les contrées de Fort Fort Lointain avec Shrek 5. Un peu comme quand sa collègue Renée Zellweger choisit de faire une pause entre 2010 et 2016, revenant avec son rôle iconique de Bridget Jones dans le quatrième volet Bridget Jones’s Baby et remportant quatre ans plus tard un deuxième Oscar pour Judy. Il existe aussi des cas où l’éloignement semble définitif, à contrecœur ou non. Depuis 2010, Jack Nicholson n’a plus joué dans aucun film, sans jamais faire d’annonce officielle. Et selon le réalisateur James L. Brooks, le dernier à l’avoir dirigé dans How Do You Know, la star lirait des scénarios en continu. Malheureusement, ce sont ses problèmes de mémoire qui l’éloigneraient des plateaux, tout comme les problèmes cardiaques qui ont affecté Gene Hackman à l’époque et pour lesquels le médecin lui recommanda de vivre une vie tranquille, qu’il passa avec sa femme Betsy Arakawa au Nouveau-Mexique jusqu’à sa disparition tragique en février 2025. 

Il y a aussi ceux pour qui la retraite a été forcée. Ceux qui se sont montrés désabusés par les offres d’Hollywood, comme Eva Mendes qui a pris une pause depuis 2014 pour se consacrer à la maternité, année où elle fut dirigée pour la dernière fois par son mari Ryan Gosling dans Lost River, et qui ne trouve pas de motivation dans les propositions reçues, cherchant surtout à éviter les projets contenant de la violence et/ou de la sexualité. Ou encore comme Sean Connery qui déclara en avoir assez de travailler avec des “idiots” et qui a sans doute souffert de l’échec de The League of Extraordinary Gentlemen, son dernier film pour le grand écran. Jusqu’à ceux dont les rôles se sont drastiquement raréfiés, comme Shelley Duvall, disparue en 2024, et qui n’était réapparue qu’un an plus tôt dans le film d’horreur indépendant The Forest Hills, après vingt-et-un ans d’absence depuis Manna from Heaven en 2002. La protagoniste de Shining décida de prendre “le congé sabbatique le plus long de ma vie” après la diminution des offres de travail combinée au cancer de la colonne vertébrale diagnostiqué à son frère, une coïncidence de facteurs qui l’éloignèrent des écrans et qu’elle expliqua dans l’une de ses interviews les plus mémorables accordée en 2023 à The Hollywood Reporter.

Il y a enfin quelques rares élus dont la retraite a contribué à renforcer la légende. Probablement une seule : Greta Garbo se retira du cinéma à l’âge de trente-six ans, après une vingtaine de rôles des années vingt jusqu’à son dernier film de 1941, Two-Faced Woman de George Cukor, dont l’échec critique la bouleversa profondément. Réservée concernant les interviews, les tapis rouges et la promotion de ses films, l’actrice suédoise ne se présenta même pas lorsqu’en 1955 on lui attribua un Oscar d’honneur, laissant au souvenir l’image de ses années de diva. Et c’est ainsi qu’on s’en souvient : les yeux baissés, le regard triste, l’air absorbé et mélancolique. La quintessence du Hollywood classique. La madame Grusinskaya de Grand Hotel qui, comme elle l’a précisé, n’a jamais voulu “être seule”, mais seulement être laissée en paix, et qui pourtant revit chaque fois qu’un de ses films est projeté.