Ludivine Sagnier : "L'automne de ma vie est encore loin" L'actrice française fait partie de la distribution du film de François Ozon 'Quand vient l'automne'

«Quand j’ai tourné mon premier film avec François Ozon, j’avais dix-neuf ans. Nous en avons fait trois d’affilée très rapprochés et peut-être qu’après avoir vécu ensemble des émotions très fortes et intenses, nous étions un peu fatigués. Nous avons accompagné les trois films à travers le monde, récoltant beaucoup de succès. Puis est venu le moment de prendre chacun sa propre voie et, maintenant, nous nous sommes retrouvés». Ainsi Ludivine Sagnier revient donc pour être dirigée par le réalisateur et scénariste français en rejoignant le casting du drame mystérieux Quand vient l’automne, histoire d’une mère et d’une fille avec une relation dysfonctionnelle qui se dégrade encore après un empoisonnement suspect. «Valérie ne suscite pas une sympathie immédiate», approfondit l’actrice en parlant de son personnage. «Dès le début, elle a une attitude hostile, mais au fil du film, on comprend d’où vient sa fragilité. Elle a eu une enfance difficile, dans un environnement rural où elle a probablement été moquée à cause du passé de sa mère, et elle a mis beaucoup de temps à trouver sa place dans le monde». 

Il s’agit en effet de relations dont Quand vient l’automne traite, de sentiments de culpabilité jamais apaisés et de la recherche parfois vaine d’accepter ce qui nous a fait souffrir. Surtout lorsqu’il s’agit d’un rapport parents-enfants, qui est exactement ce qu’explore l’œuvre d’Ozon. «Chacun de nous a des non-dits avec ses parents et doit trouver la bonne mesure pour composer avec», approfondit Sagnier. «C’est pourquoi le thème de l’œuvre est la capacité que chacun de nous a à pardonner. Je trouve que la toxicité qui émerge de la métaphore des champignons est parfaite pour représenter le mal souvent transmis aux enfants». À tenir les rênes du film, ce sont les “mères” Hélène Vincent et Josiane Balasko, qui non seulement confirment l’affection de François Ozon pour les personnages féminins, mais montrent aussi comment, pour cette œuvre, il choisit des protagonistes très âgées, ce qui n’est pas favorisé au cinéma.

«Il y a de plus en plus de rôles pour les actrices âgées et il est important qu’on soit arrivé à ce point, car il y a enfin le désir de montrer une femme à toutes les étapes de son évolution», réfléchit l’actrice. «Avec Quand vient l’automne, Ozon accomplit un acte féministe militant en choisissant deux protagonistes de quatre-vingts et soixante-dix ans, dont les rides sur le visage témoignent de leur vécu. Aussi parce qu’on risque sinon de catégoriser et de reléguer ces femmes uniquement au rôle de grands-mères qui s’occupent des petits-enfants et font des gâteaux». Et elle reconnaît le mérite au cinéma italien qui n’a pas peur de représenter des personnages âgés, citant Paolo Sorrentino avec qui elle a travaillé sur la série The Young Pope et dont elle espère, si l’occasion se présente à l’avenir, jouer dans un autre projet, peut-être en italien, après l’avoir un peu appris durant la production de la deuxième saison. 

Un autre choix entrepris par Ozon a été la volonté de ne pas céder à la frénésie du cinéma contemporain, qui demande toujours plus de rapidité et d’adrénaline au cinéma : «Nous avons besoin de tous les genres de films», commente l’interprète. «Je ne revendique pas la nécessité d’un seul type de cinéma. La décision de rendre Quand vient l’automne contemplatif vient de la volonté d’Ozon de réfléchir au passage du temps en choisissant un rythme plus lent, ce qui va à l’encontre de son habitude de tourner pratiquement un film par an». Une torpeur voulue et recherchée dans la mise en scène qui sert à accompagner le spectateur dans le drame, auquel s’ajoutent des touches de thriller et des éléments inattendus, se transformant même par moments en une histoire de fantômes. «L’idée des esprits appartient à toutes les cultures et ce sont souvent la manifestation des personnes qui nous ont quittés, comme c’est le cas ici», poursuit Ludivine Sagnier, soulignant l’importance de la main d’Ozon sur le plateau. «Ozon travaille activement derrière la caméra, c’est lui qui choisit le cadre et assume pratiquement aussi le rôle de directeur de la photographie. Il n’est pas seulement le chef d’orchestre, il est au centre de l’action». Et alors que Quand vient l’automne se teinte des ombres du crépuscule, Ludivine Sagnier continue sans se soucier du temps : «L’automne de ma vie ? Il est encore loin».