
Les étoiles solitaires de la FW25 de Daniel Roseberry pour Schiaparelli
Quand la contradiction devient synonyme de clarté
07 Mars 2025
Enfermées d’abord dans des corsets puis dans des stéréotypes et des diktats, les femmes et leurs manières de s’habiller sont depuis la nuit des temps définies, dominées voir contrôlées par les hommes, leurs idées et leurs attentes. Dans une industrie de la mode dont la cible principale est la gent féminine mais dont les grands maîtres et membres du comité de direction sont majoritairement masculins, on trouve toutefois des créateurs comme Daniel Roseberry, qui à voulu remettre les pendules à l’heure avec sa collection FW25 pour Schiaparelli. Dans la même lignée que certains de feu ses collègues de couture, comme Cristobal Balenciaga ou encore Azzedine Alaïa, Roseberry a décidé cette fois plus que jamais d’honorer les femmes, leurs corps, leur envie de le montrer ou pas, et leur volonté de bien se sentir dans ce qu’elles portent. « J'ai eu envie de créer une garde-robe qui exprime les contradictions inhérentes à la vie des femmes : comment créer quelque chose qui, tout en retravaillant les archétypes masculins, leur permette en même temps d'exprimer la féminité la plus pure et la plus divine ? » explique-t-il dans un communiqué. Et en effet, à travers une palette de couleurs chaleureuses et réconfortantes, des silhouettes toutes plus féminines les unes que les autres mais fortes à la fois et des textures en constante opposition, la femme Schiaparelli, à travers cette FW25, est divine.
Au fur et à mesure que les 43 looks de la collection se dévoilent devant nos yeux, deux forces destructrices et complémentaires à la fois s’imposent de façon toujours plus nette et évidente : le masculin lutte contre la féminité indiscutable que l’on retrouve dans chacunes des silhouettes, la soumission fait la misère au contrôle, la rigueur essaye de prendre le dessus sur l’excès. Mais c’est justement cette dualité et ces tensions constantes qui donnent à la collection son caractère et sa personnalité, tous deux exprimés à travers des matières et des éléments toujours contradictoires. Des pièces plus dures comme les classiques bottes de cow-boy sont revisitées en une version dotée de finitions et de formes explicitement féminines et le cuir gravé est réinterprété sur des accessoires sortis eux aussi tout droit du far-west comme les ceintures, bottes et sacs. Ce qui apparaît comme dur, rêche et sévère est en fait tout doux, tandis que le doux prend au fil des pièces un caractère de dur à cuir que l’on ne lui connaissait pas, mais qui lui va étonnamment bien. Cette dualité n’est toutefois pas la seule caractéristique à rendre ludique et trompeuse la collection : Daniel Roseberry s’est également amusé à rendre ses créations uniques et innovantes à travers les trompe-l’oeil, les jeux de discordance et les proportions, en respectant toujours l’héritage Schiaparelli et son caractère profondément surréaliste. On retrouve par exemple un motif de plume agrandi et floqué sur un double satin et imprimé sur un velours néoprène spongieux. Le sac à main Sluch-side a été agrandi afin que les femmes puissent y transporter tout le bric-à-brac qui leur est nécessaire, tandis que le sac Soufflé souple est relooké dans une version punk, recouvert de clous dorés scintillants. Ce qui nous apparaît comme une jupe crayon en jacquard lourd est en fait réalisée dans un tissu très léger, un body en tissu extensible floqué à l’air contraignant est en réalité aussi léger qu’un justaucorps de danse, et même les bijoux emblématiques de la Maison, qui semblent peser bien lourd à l’oeil nu, sont en fait allégés, toujours décorés des motifs phares de la maisons comme les yeux, le nez ou même les cheveux.
Le fil rouge de la collection, au-delà des trompe-l’œil, des illusions et des tricheries innocentes, est le monde équestre et cow-boyesque, en hommage à l’enfance de Roseberry passée sous le lourd soleil du Texas. Un hommage qui se fait à travers des pièces phares typiques des ranchs, comme le duster-coat, le jean à jambe arquée, la botte de cow-boy Red Wing et l'iconique boucle surdimensionnée de la ceinture western (ici décorée des symboles distinctifs de la Maison : la serrure et le homard). Mais au-delà de cette dédicace à ses racines et à la mode qui l’a vu grandir, Daniel Roseberry a également profité de ce défilé pour transmettre un puissant message d’authenticité, d’unicité et d’exclusivité. « En cette ère post-médias sociaux, où beaucoup d'entre nous sont fatigués et dégoûtés par l'idée de vivre à travers un écran, nous nous demandons ce qui donne vraiment un sens à la vie. Le sens vient de la reconnaissance de ce qui est encore précieux dans la vie : les choses et les gens qui ne peuvent pas être reproduits. Ceux qui doivent être vécus en personne, dans le monde réel. » explique le créateur. « Ces derniers mois, j'ai moins parlé et plus écouté. Je voulais créer quelque chose qui soit une source d'inspiration et qui ne puisse jamais être copié par la mode rapide, continue-t-il. Les femmes de ma vie sont des étoiles solitaires - il n'y en a pas d'autres comme elles, et il n'y en aura jamais. J'espère qu'elles, et toutes les femmes, ressentent la même chose à propos de ces vêtements.» Un message qui ne nous donne qu’une envie : sortir de notre garde-robe la pièce plus unique, extravagante, voire honteuse, que l’on possède, et la porter avec fierté, embrasser cette idée d’étoile solitaire, l’assumer et briller sans retenue et sans avoir peur d'aveugler les autres étoiles qui ne se sont pas encore dévoilées.