A Guide to All Creative Directors

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La visite d'un musée serait-elle la solution à tous nos maux ?

Le pouvoir thérapeutique de l’art à l’épreuve du réel

La visite d'un musée serait-elle la solution à tous nos maux ? Le pouvoir thérapeutique de l’art à l’épreuve du réel

« Je suis sans voix », confie l’architecte Denise, une visiteuse récente du Palazzo Grassi à Venise. Elle dit qu’il lui faudra quelques jours pour vraiment digérer ce qu’elle ressent face à l’exposition. Mais dans l’ensemble, c’est positif. Elle vient de découvrir La vie étrange des choses, la nouvelle exposition de l’artiste franco-italienne Tatiana Trouvé. Une autre visiteuse, Shushan, chercheuse à Berlin, commente : « La scénographie était brillante, réunissant les mondes intérieurs et extérieurs de l’artiste à travers souvenirs, rêves et projections. C’était une expérience très inspirante et bouleversante. » Visiter une exposition peut devenir un rituel de self care où galeries et musées deviennent des lieux de réflexion, et l’art, un outil thérapeutique. Mais qu’est-ce qui rend cette expérience unique — l’œuvre, la couleur, la scénographie, le visiteur, ou l’artiste ? Peut-on aborder l’art de manière plus profonde, plus universelle ?

« La clé réside dans l’intention, à la fois de l’artiste et du spectateur », explique Feryel Atek, artiste visuelle et art-thérapeute. Aujourd’hui basée à Marseille après dix ans à Berlin, elle partage comment l’expérience d’une exposition peut mobiliser de nombreuses couches — sensorielles, émotionnelles, cognitives — plaçant souvent le visiteur dans un état contemplatif, voire modifié. « Il n’existe pas de formule universelle », ajoute-t-elle, « certains se connecteront à la couleur, d’autres à la texture, à l’histoire ou à la symbolique. Mais ce qui permet vraiment à l’art de résonner, c’est l’authenticité : une forme de vérité émotionnelle qui transcende le médium. » Dans La vie étrange des choses, l’exposition de Tatiana Trouvé, cette vérité s’incarne dans des sculptures et peintures porteuses d’expériences personnelles et collectives. Certaines œuvres reflètent les émeutes près de son atelier à Montreuil durant l’été 2023. D’autres réagissent au traumatisme mondial de la pandémie de 2020, créées pendant les semaines d’isolement. Tout au long de l’exposition, les objets et images basculent entre deux et trois dimensions, apparaissant et réapparaissant sous formes et contextes variés. Ils guident ainsi le spectateur dans une narration à la fois visuelle et émotionnelle.

Selon Atek, certains artistes façonnent délibérément leur travail pour créer des espaces d’introspection. Miriam Cahn en est un exemple. Ses figures brutes et compositions chargées d’émotion évoquent des expériences à la fois personnelles et collectives — violence, vulnérabilité, genre, guerre, déplacement, et le corps. Plutôt que de proposer des récits clairs, ses peintures et dessins nous confrontent à l’intensité, déclenchant un dialogue intérieur. Une narration hantée traverse son œuvre, permettant de rester avec cet inconfort, d’ouvrir à une réelle réflexion. Dans une récente interview à Paris, l’artiste Arthur Jafa partageait une intention similaire : créer des œuvres qui aident à mieux se comprendre et comprendre notre rapport à la société. « J’aimerais créer des œuvres qui résonnent », disait-il. « Et je m’intéresse bien plus aux questions qu’aux réponses. » Sa vidéo AGHDRA (2021) s’apparente à une méditation visuelle, enchaînant images et séquences sonores d’un océan de matière informe (plastique, asphalte, magma) parfois traversée par une étoile à l’horizon. Beaucoup de visiteurs en sortent étonnamment apaisés et inspirés, malgré la charge émotionnelle. Les œuvres de Cahn et Jafa sont actuellement visibles dans l’exposition Corps et âmes à la Bourse de Commerce, qui réunit plus de quarante artistes autour de la présence du corps et de l’âme dans l’art contemporain.

La couleur a un effet particulièrement puissant sur l’esprit. Comme le note Atek : « L’œil est directement connecté au cerveau. Les couleurs peuvent influencer les états émotionnels et niveaux d’énergie presque instantanément. Elles peuvent élever, apaiser, ou susciter la réflexion selon leur usage. » L’artiste américaine moderniste Georgia O’Keeffe avait bien compris ce pouvoir psychologique, choisissant ses palettes avec soin et utilisant même des cartes de couleurs pour guider ses choix. Ses paysages et œuvres abstraites sont souvent qualifiés d’apaisants, évoquant calme et contemplation. De même, Agnes Martin, influencée par des philosophies asiatiques, créait des peintures comme des thérapies visuelles. Son œuvre Night Sea (1963), avec ses délicats tons bleus, évoque la sérénité de l’océan. Martin, qui vivait avec une schizophrénie paranoïde, utilisait l’art pour faire taire les voix qu’elle entendait. Son expérience l’a conduite à croire au pouvoir thérapeutique de la peinture et de la couleur pour transformer l’anxiété et le stress en équilibre.

Atek raconte une expérience similaire survenue à 3 bis F, un espace d’art contemporain situé dans un immense hôpital psychiatrique à Aix : « Le fondateur de l’association française 'Les Entendeurs de Voix', un homme vivant avec des hallucinations auditives, a partagé son histoire lors d’une conférence sur l’art et le soin au 3 bis F. Il expliquait qu’une installation particulière — remplie de sons forts et superposés — avait eu un impact profond sur lui. L’œuvre reproduisait l’environnement de ses hallucinations. Pour lui, ce fut un tournant. Plutôt que de vouloir faire taire ces voix, comme la société l’encourage, l’installation lui a permis d’accepter la réalité de son expérience. Elle l’a aidé à réfléchir à l’origine de ses voix — des voix liées au traumatisme — et ainsi à transformer ce qui était perçu comme un handicap en quelque chose de compréhensible et abordable. Même sans participer à un atelier, être immergé dans l’installation a permis un changement de perspective, briser la stigmatisation et ouvrir un chemin vers la guérison. »

Bien sûr, l’art ne peut remplacer une thérapie formelle. Mais il a un pouvoir unique : enrichir notre monde intérieur, que ce soit par résonance, ou simplement en inspirant espoir et bonheur. Alors comment aborder l’art de manière plus intentionnelle pour qu’il devienne un acte de self care ? Atek répond : « La culture ne doit jamais être considérée comme un simple accessoire ou quelque chose de superficiel à admirer. Elle est profondément personnelle — elle se ressent, plus qu’elle ne s’observe. La beauté de l’art réside dans sa capacité à nous émouvoir, nous défier, nous inviter à de nouvelles expériences. Il faut s’éloigner des idées de performance ou de simulation, et simplement s’engager avec sincérité et authenticité. C’est ça, pour moi, l’essence d’une vraie expérience culturelle. » Elle poursuit : « Le soin de soi, c’est être pleinement conscient de soi, sans se fuir. L’art devient thérapeutique lorsqu’il crée un espace en dehors de nous-mêmes — mais connecté à notre vie intérieure. Il stimule les sens, la mémoire, l’imagination — et quand il est généreux, il apporte à la fois réconfort et défi. C’est ce qui permet la transformation. » Entrer dans une exposition, c’est s’offrir une pause, un moment de reconnexion à ses émotions. Et à nos yeux, c’est une occasion à saisir dès que possible.