
Verra-t-on désormais moins de graffitis à Paris ?
Les habitants et la municipalité se montrent de plus en plus intransigeants sur la question
02 Mai 2025
Au cours des derniers mois, l’administration municipale de Paris a annoncé un plan plus strict pour contenir la propagation des graffitis et des « tags » sur les murs et les monuments de la ville. Le sujet n’est pas nouveau, mais il est revenu au centre de l’attention publique et politique à l’approche des élections municipales prévues en France l’année prochaine, qui concerneront également la capitale. Le débat a été ravivé notamment par la plainte du maire des quatre arrondissements centraux de Paris, Ariel Weil, qui a critiqué l’état du célèbre monument à la République, situé Place de la République, dont le socle est souvent recouvert de graffitis et de tags. D’où la demande de renforcer les contrôles, avec un recours plus systématique aux caméras de surveillance pour identifier les auteurs et procéder à des signalements ciblés. La législation française prévoit déjà des sanctions importantes pour ceux qui détériorent des espaces publics ou privés. Les peines vont d’amendes de 3 700 à plus de 7 000 euros, jusqu’à 30 000 euros et deux ans de prison dans les cas les plus graves. Cependant, les applications les plus sévères de la loi restent assez rares. L’un des rares cas connus remonte à 2022, lorsque le street artist Six Sax a été condamné à deux mois de prison (avec sursis) et à une amende de 17 000 euros pour avoir apposé à plusieurs reprises son tag sur les murs du centre de Paris.
Mais au-delà d’une question de décorum urbain, les graffitis représentent surtout un problème économique et logistique pour l’administration locale. Chaque jour, des équipes spécialisées enlèvent environ 650 mètres carrés d’inscriptions – une opération qui coûte à la mairie plus de 6 millions d’euros par an. De plus, les interventions de nettoyage ne sont effectuées que sur les surfaces accessibles jusqu’à une hauteur de 4 mètres – par conséquent, la suppression progressive ne concerne qu’une partie du total. Au cours des deux dernières années, selon les données de la préfecture, le nombre de cas liés aux graffitis traités par les forces de l’ordre a augmenté, passant de peu plus de 300 à près de 500. La participation des citoyens a également augmenté, notamment via l’application municipale DansMaRue, qui permet aux Parisiens de signaler des problèmes liés aux espaces publics. Une part importante des signalements envoyés l’année dernière concernait précisément les graffitis – signe d’une attention croissante portée au phénomène.
Graffitis : art de rue ou pas ?
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Malgré l’introduction de mesures plus rigides, la question de l’efficacité d’une approche fondée principalement sur la répression reste ouverte. Si l’objectif est de réduire l’impact visuel des graffitis, beaucoup se demandent si une surveillance accrue et des sanctions plus sévères suffisent à contrer une pratique aussi ancrée dans de nombreux contextes urbains. La question des graffitis, en effet, ne se limite pas à une opposition entre légalité et illégalité. Il s’agit d’un phénomène complexe, qui touche à des dimensions esthétiques, culturelles et sociales : de l’identité des quartiers à l’expression artistique, en passant par l’accès à l’espace public. Pour certains citoyens, toute inscription sur les murs est synonyme de dégradation ; pour d’autres, les graffitis représentent une forme légitime de communication et de créativité, souvent utilisée par ceux qui ne trouvent pas d’autres canaux de représentation dans le récit institutionnel de la ville.
Face à cette polarisation, plusieurs villes européennes ont choisi d’intégrer l’art urbain dans leurs projets de régénération, en instaurant des espaces autorisés et en impliquant directement les artistes dans les processus décisionnels. L’administration parisienne a elle aussi expérimenté par le passé des solutions alternatives. À l’été 2023, par exemple, environ 40 000 euros ont été alloués pour commander des interventions artistiques sur les rideaux métalliques des commerces. L’idée était de prévenir les tags en décorant les surfaces avec des murales autorisées, en misant sur un principe de respect entre artistes, selon lequel il est rare qu’un writer recouvre le travail d’un autre. Il s’agissait d’une expérience qui, bien que montrant une certaine efficacité, a également suscité plusieurs critiques, notamment en raison du budget jugé trop modeste – considéré insuffisant au regard des ressources dont dispose une capitale comme Paris. Toutefois, selon de nombreux experts, une approche de ce type – si elle est bien planifiée et soutenue dans le temps – pourrait représenter une alternative plus équilibrée et durable aux seules mesures répressives, en valorisant le potentiel culturel des graffitis.