A Guide to All Creative Directors

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À l'ère numérique, même la mort d'un pape est transformée en content

Du boom de streaming de “Conclave” aux mèmes de conspiration, Internet adore le Vatican

À l'ère numérique, même la mort d'un pape est transformée en content Du boom de streaming de “Conclave” aux mèmes de conspiration, Internet adore le Vatican

Quelques heures après la mort du pape François, survenue le 21 avril 2025, la réaction mondiale n’a pas été un moment de recueillement collectif ou de réflexion spirituelle silencieuse, mais un phénomène culturel pleinement immergé dans l’écosystème numérique. Ce passage a été symboliquement marqué par l’explosion de Conclave, le film lauréat de l’Oscar 2024 du Meilleur Scénario Adapté, qui a enregistré une augmentation de 283 % des vues sur Prime Video le jour du décès du pontife. Un bond qui a transformé le film en un succès viral et a fait du Vatican un sujet tendance mondial. Le cinéma nourrit depuis longtemps une fascination profonde pour les rites, les mystères et les contradictions du Saint-Siège. Des thrillers ésotériques comme Anges & Démons à l’ironie mélancolique de Habemus Papam, jusqu’à l’esthétique décadente et pop de The Young Pope de Sorrentino, le Vatican a toujours été imaginé comme une scène de pouvoir, d’intrigues et de contrastes. Mais Conclave a réussi là où d’autres avaient, plus ou moins, échoué : le film est devenu un phénomène viral chez les cinéphiles en ligne, où, dans leurs montages vidéo et leur jargon ironique, le processus de choix d’un nouveau pape, tourné en dérision, est devenu semblable à une compétition de RuPaul's Drag Race, à la fois célébrée et réduite à un divertissement, vulgarisée jusqu’à la superficialité. Le film, en somme, a donné à l’Église le charme de Game of Thrones, même si beaucoup ont jugé son message quelque peu anti-catholique. Néanmoins, son succès a préparé le terrain à la viralité que la nouvelle de la mort du pape François allait atteindre en ligne – dans un moment où la mort du pape est devenue du “contenu”. Et comme tel, elle a été immédiatement digérée, réinterprétée et relancée sur les réseaux sociaux : dans une véritable “compétition de posts commémoratifs”, des dizaines de célébrités – des acteurs aux chanteurs, des politiques aux influenceurs – ont publié leurs photos avec François, dont beaucoup prises des années auparavant. Le ton semblait souvent plus promotionnel que spirituel, comme si le véritable deuil à exprimer était l’occasion manquée d’un selfie avec le pontife.

@otiyato Grant us a Pope who doubts. #conclave #popefrancis #catholic #filmtok #fyp #fypシ゚ #radiohead #cinephile original sound - otiyato

À l’annonce du décès du Pontife, sur X (anciennement Twitter), la conversation a pris un tournant plus sombre et surréaliste. Les conspirationnistes ont scruté chaque image du corps du pape exposé à Saint-Pierre, à la recherche de “signes” et de détails cachés. La prophétie du “Pape Noir” a refait surface, avec des centaines de fils de discussion cherchant à démontrer que le prochain pontife sera une figure apocalyptique. Le processus de succession a été traité avec le même langage qu’un reality show : “Qui sera le nouveau pape ?”, “Les favoris du conclave”, “Ce que disent les bookmakers”. De curieux bots, sans doute recrutés par quelque régie occulte étrangère visant à déstabiliser la confiance publique envers l’Église (déjà pas très haute, mais très élevée après le pontificat de François), ont fait circuler la vidéo d’une procession pascale de cagoulés en disant, avec la naïveté très américaine de ceux qui ne perçoivent pas l’histoire européenne en dehors des USA, qu’il y a là quelque chose de décidément obscur. L’ancien évêque excommunié Carlo Maria Viganò, très prisé des fanatiques de complots, de QAnon et de Pizzagate, a également refait surface. Dans les recoins moins inquiétants d’Internet, on parle des cardinaux papables comme de “contenders”, ou concurrents d’un show, une tentative supplémentaire – malheureusement réussie – de priver de sens et de sérieux un processus bien plus solennel et important, avec des gens qui ont même commencé à parier et à se réinventer experts du catholicisme après avoir passé deux heures ou moins sur Wikipédia.

Des utilisateurs grands et petits ont transformé la mort du pape François en excuse pour des newsletters, des rétrospectives, des louanges du progressisme et des accusations de traditionalisme. Leurs attitudes ont été moquées par d’autres via des mèmes, des commentaires et des exégèses de commentaires et exégèses, reconfirmant fondamentalement que, au centre de tous ces discours, il n’y a pas vraiment de question de foi mais une pure et morbide curiosité médiatique. Il semble donc que tout Internet se soit jeté sur le triste événement de la mort du pape pour en tirer des interactions et des vues. Dans tout ce chaos, entre fake news, lectures politiques plus ou moins équilibrées et cris de “pick me” venus de chaque recoin du web, l’aspect réellement religieux, qui relève de la foi et de ceux qui voyaient en François un guide spirituel et non une simple figure publique, a été quelque peu relégué – même la couverture du New York Times a semblé moins brillante que les pronostics sur le nouveau pontife, les explications sur le fonctionnement d’un conclave, etc. Il est difficile d’imaginer que le monde soit devenu catholique en une nuit – il est plus probable que tous les médias mondiaux, ainsi que toutes les figures médiatiques de ce côté du globe, aient vu dans la mort du pontife, portée par la vague virale de Conclave, un généreux puits d’engagement dans lequel puiser sans retenue.

Et puis il y a eu l’affaire J.D. Vance, vice-président des États-Unis, qui avait rencontré le pape François quelques heures seulement avant sa mort. Il n’en fallait pas plus pour déclencher le mème le plus absurde et viral de la semaine : “J.D. Vance a tué le pape”. Une théorie aussi grotesque qu’irrésistible selon la logique d’Internet, qui en a fait un festival d’humour noir : des mèmes le représentant comme l’Antéchrist aux blagues sur le fait que chaque visite de sa part provoque une catastrophe. Le numérique, dans ce cas, n’a pas seulement enregistré la nouvelle : il l’a manipulée, réinterprétée, rendue virale et enfin transformée en divertissement. La mort d’un pape, en 2025, n’est (plus seulement) un événement religieux ou politique, mais un cycle narratif complet, accéléré, participatif et surtout pleinement postmoderne. C’est la première fois qu’un tel phénomène se produit : Benoît XVI est mort après son abdication, Jean-Paul II trop tôt. Entre-temps, les réseaux sociaux ont développé des flux de narrations folkloriques et néo-mythologiques, les fanatiques chrétiens (catholiques ou non) sont apparus en ligne dans toute leur inquiétante frénésie, et même le gouvernement Trump a mis en place un “Bureau de la Foi” confié à la télévangéliste Paula White, engagé dans les manifestations les plus absurdes d’idolâtrie et de collusion entre pouvoir politique et religieux vues depuis les accords du Latran. Quoi qu’il en soit, aussi utile que soit la religion comme “instrumentum regni”, Trump a passé son dimanche de Pâques à jouer au golf et non à l’église – ce qui n’a d’ailleurs aucune importance pour ses fidèles.

Des hommages officiels aux shitposts, des commentaires théologiques aux réactions en direct, chaque phase de la mort du pape a été documentée, commentée et remixée. Ce que Conclave présentait comme une fiction devient maintenant une réalité amplifiée : un rituel ancien, chargé de solennité et de mystère, observé et déformé par le miroir de notre époque – où même le moment le plus sacré peut devenir viral, et chaque prière ressembler à un post, chaque coïncidence à un énième mème à repartager. Nous nous interrogeons pourtant moins sur qui sera le nouveau pape, probablement nommé d’ici mai, sujet sur lequel les bots de X ont déjà commencé à répandre de la désinformation, alors que l’on s’attend à des bras de fer entre ailes progressistes et ultra-conservatrices de l’Église.