
Comment les blind box ont capitalisé sur notre enfant intérieur ?
Un retour en enfance soigneusement orchestré
17 Mars 2025
Les blind box, ces petites boîtes mystères contenant des figurines à collectionner, ont envahi les réseaux sociaux et conquis instantanément le cœur des consommateurs. Marquées par des marques comme Smiskis, Pop Mart ou Sonny Angel, elles promettent une dose de surprise et un retour à l'insouciance de l'enfance. Mais derrière cette esthétique mignonne et cet appel au "soin de l'enfant intérieur", ces jouets cachent une mécanique marketing bien huilée. L’"inner child", ou enfant intérieur, est un concept psychologique qui fait référence à la partie de nous-même qui conserve les émotions, les souvenirs et les désirs de notre enfance. De plus en plus mis en avant dans le développement personnel, il encourage les adultes à renouer avec leurs plaisirs d’enfant pour retrouver une forme de bien-être. Les marques de blind box surfent sur cette tendance en proposant des figurines au design innocent, pastel et souvent inspirées des jouets de notre enfance. Cette esthétique nostalgique réveille des souvenirs réconfortants et déclenche une émotion positive, rendant l'achat plus impulsif et affectif.
@sarahgnae open the miffy plush blind box series with me
L’un des plus grands leviers marketing des blind box réside dans leur format : l’achat d’une boîte sans savoir ce qu’elle contient. Ce mécanisme repose sur le renforcement intermittent, un principe psychologique bien connu dans les jeux de hasard qui consiste à remettre des récompenses sans suivre de schéma prévisible. Ainsi, le plaisir de la surprise et la possibilité d'obtenir une figurine rare entretiennent une boucle de récompense qui pousse à multiplier les achats, comme au casino. Ce phénomène est accentué par les séries limitées et les collaborations exclusives qui créent un sentiment d'urgence et de rareté. Les collectionneurs se retrouvent pris dans un engrenage où il devient difficile de s’arrêter avant d’avoir obtenu la figurine convoitée. La créatrice de contenus aguspanzoni explique très bien que dans une économie où les adultes ont du mal à franchir les étapes traditionnelles telles qu’acheter un bien, de plus en plus se tournent vers des jouets qui rappellent leur enfance pour en quelque sorte s’évader de cette réalité morose. L'engouement est tel que, d'après un article de CNN publié en juin dernier, les adultes ont, pour la première fois, acheté plus de jouets pour eux-mêmes que pour toute autre tranche d'âge au cours du premier trimestre de 2024, surpassant même le marché traditionnellement dominant des enfants d'âge préscolaire.
Les blind box doivent en grande partie leur succès aux réseaux sociaux, notamment TikTok et Instagram. Les vidéos d’unboxing, où les créateurs de contenu ouvrent et découvrent leurs figurines en direct, génèrent des millions de vues. Elles jouent sur la curiosité et le suspense, incitant les spectateurs à tenter leur chance eux aussi. Les marques n'hésitent pas à envoyer des produits aux influenceurs pour créer un engouement et attiser la fièvre de la collection. Le phénomène FOMO (Fear of Missing Out, ou la peur de manquer quelque chose) fait le reste : en voyant d’autres accumuler ces petites figurines, l’envie d’acheter devient irrésistible. Bella Hadid, Bretman Rock, Rosalia sont les quelques célébrités qui ont affiché fièrement leur collection d’objets ludiques. Si ces jouets sont vendus comme un moyen d'apporter de la joie et de se reconnecter à son enfance, ils restent avant tout des produits conçus pour maximiser la consommation. La répétition du processus d’achat, l'aspect ludique et la communauté des collectionneurs maintiennent un cercle d’acquisition continue. Les blind box exploitent brillamment la nostalgie et la psychologie de l’inner child pour créer une addiction douce mais bien réelle. Une stratégie efficace qui transforme nos souvenirs d’enfance en moteur de consommation. Rien n’échappe au capitalisme, même notre désir de soigner notre enfant intérieur.