
Le Bob Dylan de Timothée Chalamet s'adresse à la jeune génération
La jeune star est à l'affiche du biopic "Un parfait inconnu"
23 Janvier 2025
«Qui veux-tu être ?», demande à un moment donné le personnage de Sylvie à Bob Dylan, interprété par la star moderne Timothée Chalamet dans Un parfait inconnu, réalisé par James Mangold. C’est une question que Dylan a souvent entendue, mais à laquelle il n’a jamais voulu répondre. Impossible lorsque l’on est tout le monde et personne à la fois, lorsqu’on est un « ménestrel mystérieux », un génie destiné à changer à jamais le visage du folk. C’est aussi pour cette raison que même le cinéma n’a jamais réussi à offrir un portrait clair de l’artiste, encore moins lorsque les projets qui s’en inspiraient étaient grands et ambitieux. À tel point que Todd Haynes, dans son I’m Not There, lui a attribué pas moins de six acteurs différents, chacun représentant une parenthèse distincte dans un film - Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise en 2007 - qui ne le montre pas à différentes étapes de sa vie, mais plutôt dans diverses phases toutes liées à sa poétique musicale. Même Martin Scorsese, pour le documentaire Rolling Thunder Revue: A Bob Dylan Story, a choisi d’utiliser peu de mots, de limiter les interviews et de se concentrer sur l’essentiel : la musique. La musique est une donnée incontournable pour toute adaptation de la vie, vraie ou fausse, et parfois les deux, de l’insaisissable Bob Dylan.
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Même dans Un parfait inconnu - un titre tiré de la chanson qui a marqué le tournant électrique de l’artiste, Like a Rolling Stone - les morceaux du chanteur sont nombreux, répétés, joués presque en intégralité, avec peu de coupures ou d’interruptions. La vie de Bob Dylan doit être racontée par sa musique, avec des phrases déjà dites et prononcées par l’auteur-compositeur lui-même. Toute autre adaptation serait impossible. Mangold le sait, tout en réalisant une œuvre différente de celles de Haynes et Scorsese ; un film à lecture plus immédiate, qui atteint directement - et peut-être aussi de manière plus conventionnelle - le spectateur. Il s’agit d’un récit classique, comme c’est souvent le cas dans le cinéma du réalisateur d’Indiana Jones et de Une vie volée, qui ajoute une pièce à l’univers de Mangold : dans Un parfait inconnu, Dylan rencontre Johnny Cash, auteur-compositeur folk, blues, country, que le réalisateur et scénariste avait pris pour sujet vingt ans plus tôt dans Walk the Line, interprété par Joaquin Phoenix et qui a valu à Reese Witherspoon un Oscar de la meilleure actrice pour son rôle de June Carter.
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— Searchlight Pictures (@searchlightpics) January 15, 2025
Dans le nouveau film de Mangold, Johnny Cash joue un rôle similaire à celui de Pete Seeger, un mentor interprété avec douceur et fermeté par Edward Norton, et de Woody Guthrie, idole de Dylan qui l’a poussé à arpenter les rues de New York pour rencontrer ce mythe malade et, selon ses propres mots, « peut-être attraper une étincelle ». C’est toute la scène folk que James Mangold englobe dans Un parfait inconnu, des mille visages de Dylan à sa dualité artistique (et amoureuse) avec Joan Baez, dont le film explore la relation sur scène et en dehors. Bien que l’œuvre cherche à conserver un sentiment d’évanescence, notamment en ce qui concerne son protagoniste, le film limite son champ temporel aux débuts de la carrière du musicien, à la célébrité et à la manière dont elle l’a touché, mais surtout à son désir de ne pas être étiqueté. Un changement de forme qui, pour Bob Dylan, né Robert Zimmerman, ne signifie pas une transformation totale, mais simplement apporter des modifications à son existence (et à son essence). Rien n’est figé, encore moins la musique, surtout lorsqu’elle est liée et imprégnée de l’époque contemporaine comme l’ont été les morceaux de ce chanteur - le seul musicien à avoir remporté le Prix Nobel de littérature dans l’histoire de cette récompense et qui a volontairement choisi de ne pas se présenter.
Tout comme Dylan a été capable de parler à sa génération, Timothée Chalamet le fait à travers sa performance. Les spectateurs peuvent découvrir un aspect véritablement inédit de l’artiste : non seulement le géant incontesté, le talent inébranlable, mais aussi le jeune homme qui a dû commencer en enregistrant des reprises connues d’autres artistes folk, car personne ne croyait que ses propres mots pourraient intéresser le monde. Imaginer que ses mots, en revanche, ont eu le pouvoir de le changer. La version de Chalamet ajoute une nuance supplémentaire aux pages de l’histoire de la musique sur grand écran, avec un biopic qui se situe à mi-chemin entre les nombreuses productions qui caractérisent ce genre, même les plus récentes. L’interprète n’est pas une copie conforme du chanteur, même s’il s’en rapproche le plus possible dans la voix et les chansons. Il est un juste milieu entre le Joaquin Phoenix de Johnny Cash et l’Elvis d’Austin Butler, tout en évitant, heureusement, le Freddie Mercury de Rami Malek. Il trouve un équilibre entre une reproduction fidèle et une réinterprétation personnelle, suivant un impératif unique, selon les mots du chanteur : ne jamais être banal, mais toujours surprendre tout le monde, « comme si vous étiez un accident ».