Qu'est-ce que la nouvelle collaboration de Bape avec les Stray Kids nous dit sur la mode ? Les fandoms de k-pop sont-ils vraiment la solution à la crise des ventes ?

Ce matin, BAPE, la légendaire marque japonaise de streetwear, a annoncé sur ses canaux officiels une nouvelle collaboration avec le groupe de K-pop Stray Kids. À partir du post de teasing diffusé en ligne, on devine que les SKZOO, les peluches représentant les huit membres du groupe, ont reçu un relooking dans le style de BABY MILO, la mascotte iconique de la marque. Les détails n’ont pas encore été révélés, mais la description laisse entendre qu’il ne s’agit pas du classique drop de merchandising, mais bien d’une collection exclusive. En quelques heures, l’annonce a dépassé mille commentaires et plus de 10 000 partages sur Instagram, confirmant que la simple association entre une marque et un groupe de K-pop est aujourd’hui capable de générer un niveau d’engagement que de nombreuses campagnes n’atteignent pas.

La nouvelle relance une question devenue presque inévitable ces dernières années : qu’est-ce que le système de la mode aujourd’hui sans le soutien de l’industrie coréenne du divertissement ? À une époque où la culture pop asiatique a redéfini l’imaginaire mondial, le K-pop s’est transformé en un atout stratégique pour les maisons de mode. Il ne s’agit plus seulement d’associer un visage à une marque ou de mesurer le retour en termes de MIV et EMV, mais d’entrer dans les dynamiques émotionnelles et collectives des fandoms, un écosystème capable de déplacer perceptions, tendances et chiffres d’affaires. À un moment où le marché du luxe ralentit et où les ventes des segments premium enregistrent des baisses à deux chiffres, le K-pop devient une sorte d’ancre culturelle et commerciale, un langage universel permettant aux marques de rester pertinentes pour la Gen Z et les nouveaux marchés asiatiques. Serait-ce le début d’une nouvelle ère pour la symbiose entre K-pop et mode ?

L’histoire entre BAPE et le K-pop

BAPE a toujours été l’une des marques les plus habituées aux collaborations au sein du système de la mode, capable de connecter langages et cultures diverses avec une aisance qui a fait du streetwear japonais une présence constante sur la scène mondiale. Au début de 2025, la marque avait déjà exploré une première connexion directe avec l’industrie coréenne du divertissement, en créant des looks sur mesure pour les NewJeans. Ce fut la toute première fois que BAPE se liait de manière organique au monde du K-pop.

Mais pour comprendre à quel point cette nouvelle collaboration avec les Stray Kids n’est pas seulement une opération marketing, il faut regarder le parcours récent de la marque. Comme le rapporte Business of Fashion, BAPE traverse une phase de renouvellement structurel et créatif : un regain d’énergie qui coïncide avec sa première présentation à la Paris Fashion Week lors de la saison FW25, réalisée en collaboration avec Colm Dillane, fondateur de KidSuper.

Ces derniers mois, la marque a multiplié les initiatives pour consolider sa présence internationale ; par exemple, au début de l’année, elle a lancé un partenariat mondial avec Spotify, intensifié son expansion retail aux États-Unis et nommé Mahmoud El Salahy comme nouveau PDG, une figure clé de sa nouvelle stratégie de positionnement. En parlant à BoF, El Salahy a déclaré que l’objectif est de clôturer l’exercice fiscal dans une position « très positive » par rapport au marché, en soulignant la résilience de la marque en Asie-Pacifique, avec des résultats solides au Japon et une performance étonnamment stable en Chine, malgré la contraction du luxe dans la région.

Ce n’est pas la première fois que les idols collaborent avec des marques

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Même s’il n’est pas encore clair si les membres des Stray Kids ont eu un rôle direct dans la création de la collection avec BAPE, cette collaboration s’inscrit dans une dynamique désormais bien établie. Parmi les premiers à avoir défini ce modèle, on trouve G-Dragon de BigBang, considéré comme le point de départ du lien entre mode et K-pop. Avec sa marque PEACEMINUSONE, dès 2016, il avait collaboré avec AMBUSH, Giuseppe Zanotti et Nike, apportant sa vision personnelle dans le monde du streetwear de luxe. La même année, il est devenu le premier ambassadeur asiatique de Chanel, un passage qui a marqué l’ouverture des Maisons à un dialogue plus direct avec la scène asiatique.

Dans les années suivantes, Jennie de Blackpink a consolidé ce type de relation avec Gentle Monster, marque coréenne de lunettes avec laquelle elle a réalisé trois projets : Jentle Home, Jentle Garden et Jentle Salon (2020, 2022, 2024). Récemment, Rosé, artiste de APT. et membre de Blackpink, a également signé une capsule avec PUMA, dont elle est ambassadrice. La ligne comprend une sélection de pièces loungewear et de nouvelles versions des Speedcat, mais le succès de l’opération n’a pas tant dépendu du produit que de la réaction du public. La vidéo dans laquelle la chanteuse présente ses choix à l’équipe de la marque a dépassé 1,3 million de likes et 26 millions de vues sur TikTok, confirmant que l’attention se porte désormais davantage sur le processus que sur le résultat.

Le pouvoir du fandom

Si d’un côté la culture fan a redéfini les règles du marketing et de la visibilité dans le monde de la mode, de l’autre émergent des questions sur la réelle durabilité de cette viralité pour les marques. Le cas de BAPE et Stray Kids le démontre bien : il suffit de quelques secondes de teasing pour générer des milliers d’interactions, de mentions et de contenus créés par les utilisateurs, se diffusant à une vitesse impossible à reproduire avec une campagne traditionnelle. Aujourd’hui, la présence d’un idol dans une collaboration ou un défilé suffit à déplacer le centre de gravité de la conversation publique, rendant la marque un sujet brûlant même pour ceux qui n’en ont jamais acheté une pièce.

Tous ces éléments montrent comment BAPE construit un nouveau modèle de marque, où expansion commerciale et pertinence culturelle avancent main dans la main. Collaborer avec un groupe comme les Stray Kids, désormais considérés comme troisièmes seulement après BTS et Blackpink, n’est pas seulement une manœuvre pour capter un public jeune : c’est une opération qui positionne BAPE dans le même champ que les géants du luxe tels que Fendi, Louis Vuitton, Versace, Gucci, Bottega Veneta, Burberry, Damiani, Cartier et Tommy Hilfiger, qui ont choisi les membres du groupe comme ambassadeurs.

Le fandom, cependant, reste un pouvoir difficile à maîtriser. Mais c’est précisément son intensité qui rend la relation avec les marques fragile : l’intérêt peut disparaître dès qu’un artiste change de Maison ou que la conversation numérique se déplace ailleurs. Dans le cas de BAPE, la collaboration avec les Stray Kids représente à la fois une opportunité et un test décisif. Il reste à voir de quoi sera faite cette collaboration tant attendue.

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