
Histoire des masques de la Maison Margiela L'héritage anonyme de Margiela le Magnifique
Mercredi soir, le monde de la mode retenait son souffle tandis que les minutes de retard du défilé Artisanal FW26 de la Maison Margiela, marquant les débuts de Glenn Martens à la tête de la marque, se multipliaient. Un retard qui fut instantanément pardonné dès que les premières notes rock de Disarm des Smashing Pumpkins retentirent et que le premier mannequin fit son entrée. Un mannequin anonyme, au visage recouvert par un masque en plastique, semblable à une charlotte, assorti à la robe transparent qui lui liait les mains. Les looks s'enchaînent, se ressemblent et puis diffèrent, mais un élément perdure tout au long du défilé et de ses 49 silhouettes : l’anonymat des modèles. Avec des masques tantôt à plumes, tantôt en tulle, sobres et légers ou bien lourds et recouverts de diamants, Martens a ramené sur le podium de la Maison Margiela le caractère mystérieux voire mystique qui rend la Maison Belge et son fondateur si spéciaux. Afin de mieux comprendre ce phénomène, faisons donc un petit pas en arrière dans le temps en revoyant nos classiques et en nous penchant sur l’histoire des masques chez la Maison Margiela.
Masks from the Maison Margiela Autumn 2025 Artisanal Collection by Glenn Martens. pic.twitter.com/xhY4uo8Rvt
— gastt Fashion (@gastt_fashion) July 10, 2025
Tout commence à la fin des années 90, alors que Martin Margiela, alors inconnu au bataillon, présente sa toute première collection, la SS89 de sa Maison éponyme, dans l’humble cadre du Café de la garde de Paris. La collection se divise en plusieurs sections, délimitées par ses couleurs. La première section, la blanche, ouvre le bal, légère, simple et efficace. La fraicheur du blanc laisse ensuite place à l’intensité du rouge, qui amène avec lui un certain nombre de motifs iconiques que la maison développera par la suite, mais surtout les premiers modèles masqués. Un choix qui ne relève pas seulement de l’esthétique, mais reflète la personnalité de Martin Margiela toute entière. Entre sa réticence à parler à la presse et à apparaître sur des photos, et surtout sa volonté de mettre au centre non pas la personne qui la porte mais la mode en tant que telle (en choisissant notamment pour la présentation de sa SS98 d’avoir recours à des cintres et non des mannequins), les masques deviendront très vite un emblème de la Maison Margiela.
On les retrouve notamment dès 1995, utilisés dans les collections prêt-à-porter du créateur Belge pour la FW95, SS96, FW98 et même la SS09, collection d’adieu de Martin Margiela. Pourtant la tradition du masque ne disparaît pas avec le retrait de son fondateur de la scène fashion, bien au contraire. Dès 2011, Matthieu Blazy fait son entrée dans la Maison, bien que son identité restera secrète un temps et sera révélée seulement en 2014 par la journaliste de mode Suzy Menkes dans un post Instagram, alors qu’il s’apprête à quitter la marque pour rejoindre les rangs de Celine. L’arrivée de Blazy chez Margiela marquera l’évolution des masques de la Maison, en portant leur design à un rang supérieur à l’aide de diamants Swarovski qui les transformeront en véritables œuvres d’art. La collection FW12 pour la Haute Couture et ses somptueux masques colorés, brillants, recouverts de cristaux marque en effet un tournant pour la Maison. On les retrouvera à nouveau dans les collections couture SS13, FW13 et SS14 de la Maison, toujours sous l’égide de Blazy. Mais ce n’est pourtant pas sur les podiums que les masques du franco-belge seront reconnus comme des pièces iconiques, collector, historiques. En 2013, c’est Kanye West et son Yeezus Tour qu’il passe le visage masqué à l’aide de Blazy et de Margiela qui propulseront ces accessoires à un niveau supérieur de popularité dans le monde entier.
Arrive ensuite le grand, l’immense John Galliano à la tête de la Maison en 2014, qui bien sûr ne manquera pas de faire honneur à Margiela et son héritage, en réinventant à sa manière les masques des modèles. On en retrouve une version fraîche, légère et colorée dans sa collection couture FW18 dans laquelle les mannequins ont le visage couvert mais pas trop, enveloppé d’une fine couche de couleur, comme s’ils portaient une paire de bas turquoise sur la tête. On retrouve également une bribe de ce goût pour l’anonymat de la Maison Margiela dans sa collection d’adieu à l’institution, la collection Artisanal SS24, qui, bien qu’elle présente des visages découverts, comme celui de l’actrice Gwendoline Christie, comprend également des couvres chefs et lunettes si imposantes qu’elles entravent la découverte totale des visages des modèles, leur accordant ainsi une part de mystère, mais surtout un anonymat assuré, exactement comme les masques. Faire défiler des mannequins masqués mercredi dernier fut donc pour Martens l’occasion de dire au monde qu’il compte bien honorer la Maison, son ADN et son héritage lors de son mandat, qui, on l’espère, sera long et fructueux.





























































