"Chien 51" n'a rien à envier aux films de science-fiction d'outre-Atlantique Du moins ses scénarios

Dans la cinématographie française, comme dans beaucoup d’autres, spécialement européennes comme l’italienne, les acteurs sont souvent toujours les mêmes, surtout lorsqu’il s'agit de projets hautement ambitieux. C’est le cas de Chien 51, tiré du livre éponyme de Laurent Gaudé, film de clôture de la 82e Mostra de Venise, qui réunit à nouveau Adèle Exarchopoulos et Gilles Lellouche, réduits du succès au box-office de L’amour ouf (dans lequel elle était actrice et lui réalisateur) et auxquels se joignent Louis Garrel, Romain Duris et Valeria Bruni Tedeschi pour une expérience techno-sci-fi sur les dérives des sociétés de contrôle post-11 septembre.

Dans un futur pas si lointain, Paris est divisée en trois zones. La première est celle des politiciens et de ceux au pouvoir, la deuxième est celle des classes moyennes, parfois même aisées, tandis que dans la troisième règnent violence, saleté et pauvreté. La ville est gérée par Alma, une IA dont l’inventeur est brutalement assassiné, et sur laquelle deux policiers totalement opposés entreprennent une enquête qui les mènera à découvrir des secrets et des vérités brûlantes, susceptibles de mettre en péril tout équilibre de la société.

Avec une excellente séquence d’ouverture – une course-poursuite sur les routes qui survolent la Seine où l’action est poussée à son paroxysme tandis que criminels et police s’affrontent en appuyant sur l’accélérateur –, Chien 51 nous évoque immédiatement la qualité de grandes production comme celles de Netflix – qui a permis au réalisateur Cédric Jimenez d’atteindre un niveau idéal de vraisemblance avec le reste des productions de science-fiction internationales. Bien qu’on ait constamment le sentiment de se trouver dans la capitale française, la reconstitution post-technologique du film, avec ses drones qui survolent la capitale en continu et ses bracelets d’identification, n’encourt jamais le risque d’apparaître comme la copie affaiblie d’une quelconque sci-fi venue d’outre-Atlantique. On y retrouve la touche francophone, mais aussi un imaginaire qui adhère sans se plier excessivement ni aux règles européennes, ni, encore moins, à l’imitation des productions américaines.

Un travail louable, tant par son investissement que par son résultat, qui ne va pas de pair avec la canonicité d'un scénario qui, s'il devait laisser place au décor et à l'innovation science-fictionnelle, a agi par soustraction dans l'élaboration d'un script prévisible. Trop même pour ces énigmes qui se présentent comme des boîtes fermées, mais qui, si l'on est passionné du genre, ne sont pas si difficiles à déchiffrer. Même légèrement forcé et lent à l'approche de la fin, qui arrive épuisée pour tirer les ficelles d'une découverte assez prévisible dès le début, à laquelle la mise en scène et la réalisation peuvent contribuer sur le plan du divertissement et de la valeur productive de Chien 51, mais qui, en tant qu'histoire en soi, en tant qu'intrigue et résolution, nous laisse quelque peu sur notre faim.

En puisant dans tant de références cinématographiques, où l’esprit de Minority Report avec sa police préventive plane comme un vaisseau-mère et résonne dans la terreur d’une justice devenue à son tour violente, Chien 51 est un cinéma qui tente ce qui semble possible seulement dans les studios hollywoodiens et qui, au contraire, s’avère atteignable. Le plus prévisible des paradoxes engendre une œuvre qui n’enthousiasme pas, mais qui s’ajoute aux admirables tentatives de ces dernières années de faire un cinéma sortant des salons dorés du drame français : de la comédie musicale revisitée de L’amour ouf susmentionné, aux hybrides hommes-animaux de Le Règne animal, jusqu’à la science-fiction dystopique, bien que faillible, de Chien 51.

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