
Les véritables stars de la SS26 d’Alaïa étaient ses sacs Quand l'impression en 3D futuriste rencontre les années 60 de Lucio Fontana

Une fois de plus, Pieter Mulier a orchestré un show éblouissant pour la Maison Alaïa avec sa collection SS26 présentée il y a quelques jours sur les podiums de Paris. Un défilé, qui comme on en a désormais l’habitude avec Alaïa, ne se limitait pas seulement à nous offrir une succession de tenues, mais s’est imposé comme un dialogue vibrant de formes, de couleurs, de mouvement et d'innovation audacieuse. Au milieu des innombrables robes-cocons sculpturales, dans un hommage presque monarchique aux codes ancestraux d'Azzedine Alaïa, des bottes à franges et des jupes à volants qui flottaient comme en apesanteur au rythme des pas, un détail en particulier a également laissé notre souffle en suspens : les sacs, et surtout les clutchs. Les mains de certains mannequins chanceux ne traçaient en effet plus des arabesques dans le vide, mais serraient de mystérieux œufs vernis, déclinés en bordeaux profond, noir abyssal et blanc brillant, qui n’ont pas manqué d’attirer notre attention.
Des sacs qui semblent sortir tout droit de la garde-robe avant-gardiste de Sarah Jessica Parker dans Mars Attacks!, mais qui pourtant ne sont pas le fruit d’une anticipation. Leur genèse est en fait un retour puissant vers le passé. Un passé qui a profondément marqué le monde culturel et artistique, plus précisément vers l'année 1967, celle où l'artiste italien Lucio Fontana dévoilait son œuvre iconique, le Concetto Spaziale. Décrire ce concept avant-gardiste, c'est parler de l'ambition de déchirer le plan, de s'affranchir de la surface bi-dimensionnelle de la toile pour intégrer et dialoguer avec l'espace réel, le temps et le mouvement. Un art qui s'exprime par des lames et des entailles sur des toiles immaculées, mais aussi par des sculptures, comme celle qui a inséminé l'idée des sacs de la SS26.
Pour ce projet, tout part de l’artisanat italien, notamment à travers le travail du verre, par le spectre de l'art de certaines figures emblématiques comme Carlo Scarpa, Venini ou Gio Ponti. Pourtant au fur et à mesure que la collection prenait forme, bien que l'équipe soit arrivée à des formes fascinantes, le thème du verre s’est éclipsé, incitant la Maison à se recentrer sur l'essence sculpturale, un thème cher au coeur de son fondateur Azzedine Alaïa. C'est ainsi que cette dernière a puisé dans le Concept Spatial de Lucio Fontana. L'équipe a donc repris ce travail d'ouverture dans l'espace, en le traduisant de manière conceptuelle et tactile sur ses sacs. Ce futurisme esthétique n'est pas qu'une façade : il s'ancre également dans une conception de pointe. La fabrication de ces clutchs-œuvres d'art repose sur la technologie d'impression 3D laser, utilisant la poudre de nylon PA12. Contrairement à la fabrication par extrusion de filament (PLA classique), cette technique utilise un laser pour fritter et solidifier la poudre de nylon in situ, créant la matière sans nécessiter de supports. Les sacs sont ensuite méticuleusement vernis et laqués avant d’être fixés sur des supports métalliques. Ce modèle, décliné en trois couleurs, est l'unique pièce de la collection issue d’une véritable démarche sculpturale, avec l'ambition de raconter une histoire née d'un principe artistique fondateur.
La Maison Alaïa, avec l'aide d'une équipe de designers qui porte l'innovation au bout des doigts, a également présenté deux autres pièces maîtresses. Le Doctor Bag en python, un pouch réinterprété, qui est un clin d'œil respectueux aux archives d'Azzedine Alaïa, pionnier qui aimait manier les matériaux exotiques, notamment le python brillant. La Maison et l'équipe aujourd'hui chargée de son design a donc repris cette approche en se basant toutefois sur une recherche exigeante de matériaux, tout en assurant une cohérence parfaite avec l'histoire de la marque et les impératifs contemporains du marché. Enfin, on retrouve le sac Click, qui incarne quant-à-lui une nouvelle vision du commercial. Moins artistique, mais non moins novateur, il est conçu pour épouser le corps. Avec sa fermeture éclair métallique et son corps de cuir, il semble entourer, embrasser, presque protéger celui ou celle qui le porte, faisant ainsi quasiment office de bouclier. Inspiré par le Guggenheim de New York, lieu emblématique du défilé SS25, il prolonge le concept des ceintures en spirale vues sur les robes. Devant le succès de ces dernières, Alaïa a transformé cette dynamique en accessoire, créant le sac Click sur un principe s'apparentant au célèbre Peekaboo de Fendi.
On peut donc dire que Pieter Mulier et son équipe ne se contentent pas d'habiller : ils sculptent. La collection SS26 est la preuve que la Maison Alaïa n'est pas prisonnière de son héritage, mais qu'elle l'utilise comme un tremplin vers l'inédit. En mariant l'écho de Lucio Fontana à l'avant-garde de l'impression 3D, la clutch œuf s'impose comme bien plus qu'un accessoire : c'est un manifeste, une fusion parfaite entre l'art du passé, la technologie du présent et la vision du futur. Qu'il s'agisse de l'héritage revisité du python ou de la spirale protectrice du sac Click, la jeune garde, incarnée par l'équipe de designers en maroquinerie d'Alaïa, insuffle une vitalité conceptuelle qui garantit à la marque sa place de choix, non pas seulement dans l'histoire de la mode, mais dans celle de l'art en mouvement.





























