
Malgré le budget, « The Electric State » ne répond pas aux attentes
Le film avec Millie Bobby Brown et Chris Pratt a les moyens mais pas l'imagination
14 Mars 2025
Issu des livres et surtout des illustrations de Simon Stålenhag, The Electric State est la deuxième adaptation d’une œuvre de l’écrivain et artiste suédois, qui a associé le rétrofuturisme à une vision où dominent des couleurs et des atmosphères douces et brumeuses, où, au milieu du brouillard, se dressent ses gigantesques bâtiments, ses objets et ses robots. L’horizon des dessins du concept designer est continuellement enveloppé d’un voile opaque, qui empêche l’œil d’aller plus loin mais le guide vers l’immensité des androïdes qu’il intègre souvent dans le paysage. Ce sentiment de futur suspendu, d’un demain possible où l’intégration entre l’homme et la technologie devient toujours plus forte, où la nature devient la nouvelle maison des titans de métal et d’acier, a été brillamment capturé - audiovisuellment parlant - par Loop sur Prime Video. Une série qui, bien qu’ayant dû sacrifier un peu de la poésie que Stålenhag peint dans ses œuvres, avec le livre illustré Tales From the Loop publié en 2014 dont elle s’inspire, a tenté de maintenir une aura de mystère dans ses images, de restituer cette sensation à la fois de souvenir et de détachement que le futur de l’artiste suédois cherche à raconter. Comme quelque chose que nous avons toujours connu, mais jamais vu. Proximité et dissociation permanente. Les champs, la végétation, les fermes isolées et, juste à côté, un futur hyper-technologique.
Bien qu’on ne puisse espérer le même sentiment d’inconnu dans The Electric State, le rendu simpliste et plat de l’œuvre est en premier lieu ce qui s’éloigne le plus possible de l’idée de représentation qu’on aurait pu espérer ou imaginer à partir des pages de Simon Stålenhag. Il y a deux raisons à cela. La première est la réalisation du projet confiée à Netflix qui, ces derniers temps, dilue sa recherche visuelle, en se limitant à une mise en scène plate et limpide qui ne laisse aucune place à l’illusion. La rêverie, l’invention, le songe : tout est immédiat, dévoilé, il n’y a rien à supposer ou à explorer. Ce qui est montré est tel quel, réduisant le plaisir de la découverte au fil des séquences. La deuxième raison est l’attribution de l’adaptation cinématographique à Anthony et Joe Russo, malgré un style qui leur est désormais propre. Après l’explosion des films-événements Avengers: Infinity War et Endgame, après avoir déjà remporté un grand succès avec les deux Captain America, d’abord The Winter Soldier (2014) puis Civil War (2016), la descente du duo a été abrupte et bruyante, comme s’ils avaient essayé de reproduire l’unicité de ce qui s’est passé avec la saga de l’infini de Marvel, mais s’étaient enfermés dans une impasse.
As a fan of Simon Stålenhag's art, that Netflix Electric State movie feels like even more of a tragedy: Imagine looking at this beautiful, moody art and thinking "we need the RUSSO BROTHERS to direct this, and CHRIS PRATT should star!" pic.twitter.com/lQL9ANm5Kd
— Harryhenry (@harryhenry6) March 9, 2025
Avec The Electric State, le budget était hors normes : selon les rapports, il atteindrait la somme vertigineuse de 320 millions de dollars. Le fait que l’accueil du film après sa première au Grauman's Egyptian Theatre de Los Angeles ait été parmi les plus difficiles, face à un tel investissement de Netflix, devrait pousser la plateforme de streaming à réfléchir - mais qu’elle ne se soucie que des vues est une autre histoire. À une époque où aux Oscars 2025 ont triomphé des films à petit budget (de Anora à The Brutalist), les résultats de The Electric State devraient souligner davantage le fossé que l’industrie du spectacle a creusé et dont elle devrait se remettre, en destinant des fonds et du soutien à des œuvres ayant réellement une vision propre et non standardisée. Ou qui savent au moins comment rentabiliser un tel investissement, probablement consacré dans ce film Netflix à l’énorme quantité d’effets visuels qui, au moins, font un travail honorable. Avec le reste destiné aux poches de deux stars comme Millie Bobby Brown et Chris Pratt, pour une œuvre qui se réduit à un classique voyage d’aventure dans un décor aussi invraisemblable qu’ils ont réussi à le rendre anonyme, sans rien à voir avec les profondes évocations que les créations de Simon Stålenhag sont capables de susciter. Tout se réduit à une spectacularité minimale, à des relations stylisées, à une guerre entre mondes fusionnant obligatoirement dans un affrontement. L’imagination est réduite au strict minimum là où elle devrait repousser les frontières, qui restent pourtant trop nettement tracées dans The Electric State, pour un cinéma qui possède sûrement les moyens mais pas la fantaisie.