Maintenant, même boire du lait est devenu un sujet politique De la tendance salutaire au bastion de l’ultra-droite américaine

Le lait cru, contrairement à celui de grande consommation, ne subit pas le processus de pasteurisation, c’est-à-dire qu’il n’est pas chauffé à une température suffisamment élevée pour tuer virus et bactéries. Selon les réglementations sanitaires, aux États-Unis, il est courant depuis 1890 de pasteuriser le lait et la Food and Drug Administration, l’agence fédérale chargée de la sécurité alimentaire, en a interdit le commerce car jugé dangereux pour la santé. Toutefois, avec la victoire de Trump aux élections du pays, les choses pourraient bientôt changer. Du ministre de la santé Robert F. Kennedy, fervent consommateur de lait non pasteurisé, à la députée Marjorie Taylor Greene qui, se substituant aux virologues, avait publié sur Twitter en vue des élections, « Le lait cru est bon pour le corps. Rendons l’Amérique saine à nouveau ! » jusqu’à la vente de t-shirts avec le logo « Got raw milk? » par l’organisation pro-Trump Turning Point USA, nombreux sont les partisans qui voient dans le lait cru des bienfaits si importants qu’ils l’ont utilisé comme outil pour obtenir des voix lors de la dernière campagne électorale. De plus, selon une étude menée par l’Université du Delaware, la tendance est devenue tellement transversale aux États-Unis qu’elle a augmenté les ventes de 21 % au cours de l’année 2024.

Étrangement, c’est la plainte déposée par le Département de l’Agriculture des États-Unis, l’USDA, contre un éleveur du comté de Lancaster en Pennsylvanie, accusé d’avoir vendu le produit sans autorisations appropriées à des personnes qui sont ensuite tombées malades, qui a déclenché un véritable mouvement au sein de la communauté mormone. L’influenceur MAGA Scott Presler avait promis à une foule d’électeurs amish que l’administration Trump protégerait le produit, en faisant un véritable slogan en vue des élections. Le tout renforcé par le soutien de la controversée reine des « trad wives », Hannah Neeleman de @ballerinafarm, qui, dans ses vidéos sur TikTok, montrait comment préparer des biscuits avec du lait non pasteurisé. Il semble que, au sein de cette communauté bien enracinée, la proposition de libéraliser le commerce du raw milk ait entraîné une forte augmentation des voix en faveur du gouvernement Trump, qui jugeait excessives les mesures répressives contre le produit. Actuellement, il est en effet légal de vendre et consommer du lait cru dans 30 États des États-Unis, sous certaines licences, mais le transport entre ces États n’est pas autorisé. Une situation similaire à celle de l’Union européenne, où les réglementations de vente du produit varient d’un pays à l’autre.

Mais quel est l’avis des experts ? Si d’un côté les fans parlent d’un meilleur profil nutritionnel dû à l’absence de traitement thermique, et confirmé par la gourou apolitique du bien-être Gwyneth Paltrow qui affirme ajouter de la crème non pasteurisée à son café chaque matin, plusieurs dangers sont signalés par Rabia De Latour, gastro-entérologue à la NYU Grossman School of Medicine. S’il est vrai que le lait cru et ses dérivés peuvent apporter des bénéfices potentiels, notamment en contribuant positivement à la flore intestinale et en étant associés à une meilleure tolérance au lactose, il faut garder à l’esprit qu’ils contiennent aussi des éléments dangereux pouvant provoquer diverses infections, car ils ne sont pas soumis à des traitements éliminant les bactéries pathogènes. En Californie, en effet, le premier cas d’intoxication chez un enfant a été confirmé, et un lot de lait entier non pasteurisé s’est révélé contaminé par la grippe aviaire : les autorités agricoles de l’État ont interdit ces derniers jours la distribution de produits laitiers crus de la célèbre entreprise Raw Farm, selon ce que rapporte le Los Angeles Times.

Des confirmations sur les risques potentiels viennent aussi d’Italie : Matteo Bassetti, directeur du département des maladies infectieuses de l’Hôpital Policlinico San Martino de Gênes, a déclaré à Adnkronos : « Ce que nous voyons depuis des mois, ce sont des signes que la grippe aviaire s’approche de manière menaçante de l’être humain, nous sommes cernés. La vache est l’animal le plus proche de l’homme, du lait aux dérivés. Il faut donc redoubler d’attention sur le thème de la grippe aviaire, nier, comme certains le font, n’aide pas. Nous avons les vaccins et les médicaments et nous devons nous organiser et fournir une information correcte. » Ces positions sont corroborées par une étude de l’Université Johns Hopkins. De Latour suggère donc, afin de bénéficier des avantages des produits laitiers sans les risques associés, de remplacer le lait non pasteurisé par des aliments riches en fibres et en probiotiques, comme la choucroute, le kimchi, le kéfir et le yaourt. Au-delà des positions politiques et des assouplissements hypothétiques du nouveau gouvernement américain, comme pour chaque sujet, l’attitude de choix responsable et conscient prévaut : le dernier mot revient au libre arbitre du consommateur qui peut puiser dans un large éventail d’informations documentées et vérifiées, afin de prendre des décisions en toute autonomie. Mais que se passera-t-il maintenant qu’une tendance bien-être est devenue un symbole idéologique ?