Selon Lyst, les heures du luxe traditionnel sont comptées Au cours du premier trimestre de l'année, la hiérarchie des marques les plus en vue a beaucoup changé

Qui aurait cru qu’un jour COS se retrouverait dans le top 10 des marques les plus en vue du trimestre selon Lyst ? Un classement qui inclut normalement les plus grands noms du luxe ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est bien le cas : avec une augmentation de 44 % de la demande, la marque high-street du groupe H&M a fait un bond impressionnant de onze places après son entrée dans le classement, se positionnant entre Prada et Bottega Veneta – toutes deux en légère baisse. Et si Skims a perdu quatre places tout en restant dans le classement, l’autre entrée non luxe du trimestre est On, propulsée par Zendaya, Federer et FKA Twigs. Et même Levi’s, grâce à Beyoncé, a intégré les marques en plus forte croissance aux côtés de Duran Lantink et Dries Van Noten, deux vedettes de la dernière saison parisienne. Même dans le classement des produits les plus en vue, la moitié des articles ne sont pas issus du luxe : les Taekwondo d’adidas, les Speedcat Ballet Flat de Puma, les Barrel Leg Trouser de COS, le hoodie de Alo Yoga et les chaussettes colorées de Uniqlo. Il semble clair que l’imaginaire de la mode devient sans doute plus démocratique face à un luxe qui, à l’exception des marques les plus haut de gamme, perd de son élan et de son attrait. Mais qu’en est-il des marques de luxe dans le classement ?

La star du trimestre est sans conteste Loewe qui, portée par la collection finale de Jonathan Anderson, a doublé Miu Miu pour atteindre la première place. Miu Miu, de son côté, a conservé sa position de force sur le marché tout comme Saint Laurent. Mais alors que Prada a glissé en cinquième position, la quatrième est occupée par une marque qui progresse discrètement trimestre après trimestre : Coach, un autre exemple de mode accessible qui tire profit de sa stratégie en s’adressant aux clients aspirationnels que le luxe a délaissés. Plus bas dans le top 10, une autre surprise : Chloé a bondi de dix places grâce à une forte hausse de la demande, marquant une nouvelle étape réussie dans le processus de rebranding entamé par la marque sous la direction de Chemena Kamali. Toujours dans le top 10 mais en baisse : Alaïa. Dans la seconde moitié du classement, on note une légère reprise pour Gucci, Balenciaga et Versace, une baisse plus marquée pour Jacquemus (probablement affecté par les mois d’hiver), ainsi que pour Moncler. À noter la progression lente mais constante de Toteme, une marque récompensée pour son bon équilibre entre qualité, visibilité et prix. Celine, quant à elle, est représentée par ses jeans portés par Kendrick Lamar au Superbowl, en tête des produits les plus recherchés avec une hausse de 412 % des recherches autour du terme “jeans flared”. À noter également l’apparition remarquable du modèle Michael de Paraboot, un classique de la chaussure masculine, dont les recherches ont explosé de 226 %.

Un élément qui surprend est sans aucun doute l’absence de plusieurs grandes marques du groupe LVMH telles que Louis Vuitton ou Dior, dépassées dans les recherches par Loewe, qui devra désormais conserver l’élan gagné grâce à Anderson. Il est toutefois évident que la collection Dior que réalisera Anderson pourrait ramener la marque dans le classement d’ici le troisième trimestre de cette année, même si le caractère partiel et quelque peu ambigu de sa nomination, dans l’état actuel des choses, pourrait ralentir cet essor. De manière générale, puisque Lyst est un baromètre qui mesure la demande d’une clientèle plus aspirationnelle (les clients du luxe achetant généralement directement auprès des marques ou de détaillants multimarques), il semble que la dynamique du grand public commence à se diriger vers des marques axées sur le rapport qualité/prix. En mettant de côté un instant les marques “masstige” (soit “mass + prestige”) comme COS, un produit tel que le Michael de Paraboot a certes un prix élevé, mais reste bien en dessous de celui d’un produit de luxe, tout en offrant une qualité de fabrication et un capital marque reconnus et prestigieux, indépendamment des tendances. On pourrait en dire autant de Toteme, dont le prêt-à-porter se situe à des niveaux de prix similaires. En résumé, le public semble rechercher une équation plus juste entre qualité et style – une équation que le luxe ne semble plus vraiment offrir aujourd’hui.