Le retour du Circus-core, la tendance qui jongle avec l’excentricité Retour à une individualité décomplexée à travers des pièces pensées initialement pour la scène

Après la tendance ballet-core qui a remis au goût du jour les ballerines et sorti des studios de danse les cache-coeurs et les guêtres pour en inonder les réseaux sociaux, une autre micro-trend semble (déjà) pointer le bout de son nez — rouge. Exit le clean girl make-up, place aux sourcils fins dessinés au crayon, aux pommettes colorées et à la bouche en coeur. Le costume, lui, semble tout droit sortir d’un numéro de cirque. Couleurs vives et motifs s’associent à l’infini. Une coupure radicale avec les précédentes — et pas si anciennes — micro-trends qui misaient plutôt sur des silhouettes harmonisées en termes de couleurs bannissant presque tous les motifs, à l’exception des imprimés animaliers. En adoptant cette tendance, on cherche à sortir de l’ordinaire, à afficher une apparence burlesque, spectaculaire, et par extension à accentuer une identité marginale, cunt. Même si certains de ses éléments sont repris de façon indépendante, l’imagerie du cirque est bien présente,  certes diluée mais disséminée ici et là, à travers un motif ou une combinaison de couleurs. Arborer cette tendance revient à faire un pied-de-nez aux injonctions vestimentaires traditionnelles qui  gagnent du terrain. Si la vie est un cirque, cette tendance permet définitivement à chacun d’y jouer  son propre numéro.   

De Vivienne Westwood avec sa collection Voyage à Cythera en 1989, au maquillage extravagant de  la collection Christian Dior par John Galliano en 2003 assuré par la légendaire Pat McGrath,  jusqu’aux récents hommages de Moschino et Dior Haute Couture par Maria Grazia Chiuri, le cirque  traverse les époques et semble, à chaque fois, nous tendre un miroir déformant. Attirée par son  esthétique saturée, les mythes qui l’entourent et ses nombreuses possibilités de mise en scène, la  mode actualise sans cesse son imagerie. Proche de la silhouette de l’Arlequin, le Circus-core mêle collants et autres bas colorés avec des motifs — principalement carreaux, pois et rayures — et joue  avec les volumes en ajoutant des collerettes à des endroits inattendus, notamment autour des  poignets et des chevilles, comme chez Jeffrey Campbell et Madomorpho. Ces deux marques  reprennent d’ailleurs d’autres éléments caractéristiques du cirque : les rayures rouge et blanche du  chapiteau ou encore les justaucorps des acrobates évoqués par des collants étrangement similaires. Si la pose de la mannequin de la campagne Jeffrey Campbell évoque explicitement les numéros des contorsionnistes, la marque berlinoise Madomorpho mise sur une esthétique plus minimaliste, en  accord avec son ADN. 

Sur Instagram et TikTok, les créatrices de contenu s’approprient l’esthétique circassienne en  piochant des éléments de costumes qui, combinés, forment des tenues assez hybrides. Veste militaire de dresseur, chapeau de magicien, pantacourt de clown : ces pièces s’assemblent pour créer une silhouette éclectique, presque théâtrale, où chaque détail évoque un numéro différent.  Preuve que cette tendance peut être embrassée pleinement ou par petites touches, le motif de l’étoile s'invite discrètement sur un tee-shirt, un ongle ou une pommette, ou au contraire, recouvre entièrement le visage pour un effet maximaliste. Associé à des pièces plus classiques, ce vestiaire inspiré du cirque semble réveiller en nous l’esprit excentrique d’une Zoey Deschanel revisitée. En rupture avec l'esthétique épurée et lisse qui a dominé ces dernières années — comme en témoigne la tendance du quiet luxury — le Circus-core prône un retour à une individualité décomplexée. En s'inspirant des costumes de scène, cette esthétique célèbre l'excès comme une  manière de se réapproprier sa propre image et de brouiller volontairement les frontières entre le  quotidien et l’extraordinaire. C'est une tendance qui revendique haut et fort le droit à l’imperfection,  au kitsch, à l’excès — comme une parade joyeuse face à une mode parfois trop cadrée et normative. 

Loin de vouloir se fondre dans la masse, le Circus-core revendique une individualité éclatante, un sens du spectacle poussé à son paroxysme. Dans un monde où la recherche de l’authenticité est  paradoxalement devenue une norme, cette tendance permet de jouer avec son identité, de la  sublimer, de la transformer. Que ce soit à travers des looks flamboyants ou par des détails plus  subtils, le Circus-core incarne avant tout une volonté de repousser les limites, d’embrasser une esthétique volontairement exagérée. Sur les réseaux sociaux comme sur les podiums, la mode  ressemble désormais davantage à une piste de cirque, où chaque entrée en scène est un manifeste  pour l’affirmation de soi.