La naissance et renaissance de la French Touch Une histoire qui fait encore danser le monde entier, du Palace dans les années 90 au dernier DJ set du Centre Pompidou
Samedi dernier, tandis qu’il accueillait pour la dernière fois derrière ses façades tuyautées des visiteurs assoiffés de bon temps, le Centre Pompidou nous offrait une dernière leçon culturelle : la French Touch est bel et bien de retour. Alors qu’elle fête ses noces de rubis avec la musique, la French Touch nous a prouvé maintes et maintes fois ces derniers temps qu’elle n’avait, en fait, jamais disparu. Le premier à nous l’avoir expliqué non pas à travers les mots mais à travers les notes est Thomas Bangalter, ancien membre du duo Daft Punk complété par Guy-Manuel de Homem-Christo, présent samedi derrière les platines du Centre aux côtés de Fred Again pour un dernier DJ set que l’on n'est pas prêts d’oublier. Entre cette apparition démasquée samedi dernier, sa participation à la réalisation de bandes-originales de films comme En Corps de Cédric Klapisch ou Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux, la création d'un morceau avec Orelsan ou encore son apparition dans Chien 51 de Cédric Jimenez, le musicien est officiellement de retour sur le devant de la scène. Et il n’est pas le seul.
Tout commence au début des années 90 à Paris, au Palace plus exactement, une salle de cinéma qui ouvre ses portes en 1912 pour se transformer ensuite en cabaret avant de devenir officiellement une boîte de nuit. Au cœur de l’institution, les morceaux de Laurent Garnier, Guillaume la Tortue ou encore David Guetta aux résonances électroniques inspirées des scènes de Chicago et Detroit font vibrer sol, mur et plafond jusqu’au bout de la nuit. Avec l’arrivée de quelques petits labels comme Roule (fondé par Thomas Bangalter en 1995) et Disques Solid (fondé par Étienne de Crécy en 1996), la French Touch quitte les quatre murs de la boîte de nuit pour se faire une place auprès des ménages français. Très vite, notamment grâce aux Daft Punk et leur album Homework, sorti en 1996 et contenant le hit Around the World, ce genre unique, caractérisé par l'utilisation de samples de disco et de funk filtrés, dépasse les frontières de l’Hexagone, faisant de la France une icône musicale reconnue au-delà de l’Atlantique. Le mouvement prend ainsi le nom de French Touch, en hommage à cette vague d’artistes tous venus d'un seul et même pays : la France.
@gotwub Daft Punk @ Even Furthur May 26th, 1996. This was Daft Punk's first ever performance in the United States #daftpunk #1996 #foryou original sound - WUB
Et en parlant d’outre-Atlantique, impossible de ne pas parler du duo Air, composé de Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel, l’un étudiant en architecture et l’autre étudiant en mathématiques et professeur de sciences physiques, tous deux originaires de Versailles. Avec Moon Safari, leur premier album sorti en 1998 dans lequel on retrouve une base anglo-saxonne retravaillée avec une touche versaillaise, le duo apporte au mouvement un vent de fraîcheur. Plutôt que de proposer des effets robotiques déjà vus et revus, c’est plutôt des sons angéliques que l'on retrouve chez le duo, qui utilise sa propre voix pour ce faire, à l’aide d’un vocodeur. Obsédé par les synthétiseurs modulaires et les lignes de basses élégantes, Air construit sa musique autour d’une suite symphonique, contrairement à beaucoup de ses collègues, qui partent quant à eux d’une musique faite de rythme et de boucles répétitives. Son identité électronique est forte, sa musique est spatiale, et son public est charmé. Mais pas que son public français. Un titre en particulier de ce premier album légendaire se transforme très vite en tube : Sexy Boy. Un tube tellement puissant qu’il arrive jusqu’aux oreilles de la réalisatrice américaine Sofia Coppola, qui décide ensuite de mettre le duo aux commandes de la bande-originale de son premier long-métrage, Virgin Suicides, mené par sa bien aimée Kirsten Dunst.
@mascrtz my soul sounds like that #thevirginsu1sides #fyp #luxlisbon #sofiacoppola #lisbonsisters #air #highschool #reposteria #girlblogger #thereselisbon #cecilialisbon #playgroundlove #relatable Highschool Lover - Air
Après s’être quitté en 2021 puis reformé en 2023, le duo fait un retour sensationnel en 2024 lorsqu’il participe à la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris, accompagné par le groupe Phoenix (dont le chanteur principal Thomas Mars est d’ailleurs le mari de Sofia Coppola) avec le morceau Playground Love chanté au Stade de France. L’année suivante, il refaisait sensation et conquérait un peu plus le cœur d’une Gen-Z qui ne le connaissait pas forcément lors du festival We Love Green à Paris, rejoint sur scène par Charli xcx pour une interprétation spéciale de leur hit Cherry Blossom Girl qui résonne encore aujourd’hui dans nos oreilles et nos Airpods. Mais c’est surtout au cours de l’été 2024 que la French Touch a fait vibrer la France entière, entre la soirée spéciale French Touch organisée sur le toit de l’aéroport de Charles-de-Gaulle avec des invités spéciaux du calibre de Air, Phoenix, Étienne de Crécy, Inès Mélia ou encore Izzy Lindqwister, Around the World des Daft Punk comme hymne de Vogue World tenu à Paris ou encore la sortie d’un documentaire Arte sur le très regretté DJ Mehdi qui n’a pas manqué d’émouvoir les fans du genre et au-delà.
La French Touch a ainsi prouvé qu'elle est plus qu'une simple période musicale des années 90, elle est une identité sonore française qui sait se réinventer, passant des platines underground du Palace aux plus grandes scènes mondiales, de Daft Punk à Air, de Thomas Bangalter aux nouveaux visages de l'électro. L'onde de choc de cet été 2024, symbolisée par ce dernier set au Centre Pompidou, n'est donc pas un feu de paille mais la confirmation que cet héritage ne s'éteindra jamais. Alors que Pompidou ferme ses portes pour cinq ans de travaux, il a eu la courtoisie de nous laisser un message clair, résonnant encore dans nos écouteurs : la fête française ne fait que commencer.