
Comment la loi anti-gaspillage crée encore plus de gaspillage Quand le recyclage devient un business plus rentable que la vente
C’est un paradoxe aux conséquences désastreuses. La loi anti-gaspillage, entrée en vigueur en 2021 pour encourager une économie circulaire et réduire les invendus, contribuerait en réalité à aggraver le problème. Selon une enquête de Disclose, en partenariat avec Reporterre, des géants de la fast fashion comme Shein, Décathlon et Kiabi profiteraient de ce dispositif pour transformer leurs stocks invendus en millions d’euros de réductions fiscales. Une pratique qui favorise la surproduction et inonde les associations caritatives, déjà dépassées par l’ampleur des dons à gérer.
Kiabi, Shein, Decathlon : la fast fashion encaisse des millions d’euros d’argent public grâce aux dons des vêtements invendus
— Disclose (@Disclose_ngo) May 6, 2025
Révélations @Disclose_ngo, avec @Reporterre, sur un hold-up fiscal encouragé par la loi anti-gaspillagehttps://t.co/MoJ3dPOuC3
L’Agec ou la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, interdit depuis 2022 aux entreprises de détruire leurs invendus non-alimentaires et encourage ces dernières à plutôt les recycler ou à les offrir aux associations caritatives, en échange d’une ristourne fiscale de 60% de la valeur de la marchandise donnée. Par exemple, si Shein offre un pantalon qui coûte 12€ à une association, l’entreprise chinoise recevrait une ristourne fiscale de 7,20€. Une aubaine extrêmement rentable pour ces mastodontes de la fast fashion qui peuvent réduire leurs coûts de production à quelques dizaines de centimes. Ainsi, en produisant plus d’invendus intentionnellement, ces multinationales perçoivent des réductions d’impôts qui peuvent atteindre des millions au total. Selon les journalistes de Disclose, Decathlon aurait bénéficié de 709 000 euros d’avoirs fiscaux, en 2024, pour 1,18 million d’euros de produits invendus donnés. Des chiffres qui font froid dans le dos lorsqu’on sait que chaque seconde, près de 100 vêtements neufs arrivent sur le marché français, une augmentation de 30 % en à peine quatre ans.
Rappel: 10 février 2020 vote de la Loi Anti Gaspillage pour une Economie Circulaire
— Alexandre GARCIN (@AlexandreGarcin) May 6, 2024
avec 3 objectifs visant à en finir avec les plastiques à usage uniques:
Réduction de 20% d'emballages plastiques
Supression des emballages plastiques inutiles
Tendre vers 100% de recyclage pic.twitter.com/f7Q7lfquPN
Face à ces «dons», les associations et les recycleries sont submergées par des montagnes de vêtements. Par manque de place et de main d'œuvre, elles sont obligées de les détruire par leurs propres moyens ou aux frais du contribuables lorsqu’elles ne peuvent plus assumer les coûts. Ces invendus neufs ne parviennent même pas à atteindre les étalages et finissent directement dans des déchèteries. De plus, les marques de mode rapide ne doivent même pas contacter les organisations directement. Depuis quelques années, des brokers en invendus ont émergé. Ces derniers, des start-ups en général, s’occupent de faire le lien entre les entreprises et les associations pour que les premières puissent se débarrasser de leurs invendus. Parmi eux, Dealinka est une boîte qui travaille de près avec Shein. Toujours d’après le reportage de Disclose, la start-up française aurait envoyé un courriel à une recyclerie du Var, leur proposant 20 palettes de vêtements Shein d’une valeur de 50 000 euros, précisant qu’ils auront besoin du reçu fiscal qu’ils enverraient à la marque chinoise. Sur son site, Dealinka assure que sa mission est de lutter «contre le gaspillage en donnant une seconde vie aux produits en surplus.» Une odeur de greenwashing plane pour ce service qui va à l’encontre du principe-même de l’économie circulaire.
Pagaille et gaspillage monstre en vue dans les rayons (cette loi absurde n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact) #écologisme https://t.co/SC3aHiHMLh
— MacLesggy (@MacLesggy) March 19, 2025
Kiabi a réussi à trouver un autre procédé pour bénéficier des avantages fiscaux. Le label français découle son stock d’invendus auprès des Petits magasins, une initiative qui a pour but de rendre accessible des biens neufs aux familles en difficulté. Sauf que, les Petits Magasins sont pilotés par la société Kivi, une coentreprise réunissant Bunsha, la holding des magasins Kiabi et le groupe d’insertion Vitamine T, dont le conseil d’administration accueille également le DRH de Kiabi. En d’autres termes, Kiabi donne à Kiabi et bénéficie ainsi des ristournes fiscales sans perdre un sous via des intermédiaires. Une réalité aberrante qui confirme que les gouvernements doivent entreprendre des mesures beaucoup plus radicales pour un réel changement dans le paysage de la mode rapide. Cette loi, en plus de profiter les multinationales qui sont déjà ultra riches, tuent à petit feu les associations caritatives et les friperies qui sont des acteurs essentiels dans l’économie circulaire.

























