Vedi tutti

Le mouvement #MeTooGarçons

Pourquoi ce mouvement n’est il pas pleinement reconnu, à l’instar de son homologue féminin #MeToo?

Le mouvement #MeTooGarçons  Pourquoi ce mouvement n’est il pas pleinement reconnu, à l’instar de son homologue féminin #MeToo?

Depuis sa genèse en 2017 avec le mouvement #MeToo, la parole des victimes de violences sexuelles a pris une ampleur sans précédent, dénonçant les abus et brisant le silence qui les entoure. Alors que #MeToo a jeté une lumière crue sur les expériences des femmes, #MeTooGarçons tente tant bien que mal de faire entendre la voix des hommes victimes de violences sexuelles, défiant les stéréotypes de la masculinité. C'est dans l'intimité d'une story Instagram, que l'acteur Aurélien Wiik a ouvert la voie au mouvement #MeTooGarçons. Le 22 février, il a partagé son propre récit d'abus sexuels endurés pendant son enfance et son adolescence. Ce témoignage intime a été le catalyseur d'une vague d'émotion, incitant d'autres hommes à briser le silence et à partager leurs propres histoires sur les réseaux sociaux. Si ses enjeux sont  similaires à ceux de son homologue féminin, #MeTooGarçons peine toutefois à obtenir la même reconnaissance et visibilité. Mais pourquoi donc? Dans ce paysage de dénonciations et de revendications, il est crucial de se pencher sur les raisons et les conséquences  de ce manque de reconnaissance.

 

Un chemin semé de tabous et d’obstacles

En plongeant dans le dédale des normes de genre, il est indéniable que les hommes sont soumis à des attentes rigides qui les enferment dans un carcan de virilité. Ces normes, véhiculées à travers les siècles, imposent l'idée que la masculinité est synonyme de force, de domination et d'invulnérabilité. Ainsi, admettre avoir été victime de violences sexuelles est perçu comme un affront à cette image. Une enquête de l'INED évoque que 62% des hommes interrogés estiment que leur virilité est remise en question s'ils révèlent avoir été agressés sexuellement. Ce chiffre révélateur démontre l'ampleur du poids des normes de genre sur la parole masculine. Pire encore, les réactions sociales alimentent ce tabou. Sur les réseaux sociaux, plateformes de discussion modernes, les hommes osant briser le silence sont souvent victimes de commentaires offensants et de réactions hostiles. En effet, 80% de leurs témoignages sont accueillis avec scepticisme ou même avec dérision. Ces réactions, teintées d'une culture de la masculinité toxique, renforcent l'idée selon laquelle ils doivent taire leur souffrance pour préserver leur position de force et de contrôle. Les histoires partagées sur les réseaux sociaux illustrent parfaitement  les défis auxquels les hommes sont confrontés pour se faire entendre. Ils incarnent la réalité à laquelle se heurtent les victimes de violences sexuelles, hommes comme femmes. Un exemple marquant est celui d'un homme qui, après avoir partagé son vécu, a reçu des réponses l'accusant de mentir ou de ne pas être assez "masculin" pour se défendre. Cette réaction, bien qu'indignante, est malheureusement représentative des nombreux obstacles auxquels sont confrontés les victimes de violences sexuelles et reflète l'ampleur du travail à accomplir pour que la parole masculine soit pleinement entendue et respectée.

 

Les implications du manque de reconnaissance de ce mouvement

Lorsque le mouvement #MeTooGarçons reste dans l'ombre, les conséquences pour les victimes peuvent être profondes et multifacettes. D'abord, le manque de reconnaissance de leurs expériences peut engendrer un sentiment d'isolement, de honte et de stigmatisation. Ils peuvent se retrouver confrontées à des pressions sociales et culturelles qui les poussent à taire leur douleur, craignant d'être jugés, ridiculisés ou même niés. Et lorsqu’ils osent enfin parler, ils se retrouvent souvent face à des réactions aussi brutales que déplorables. Hostilité, homophobie, sexisme… En outre, le manque de reconnaissance de  #MeTooGarçons entrave la sensibilisation du grand public et la prise de conscience collective de ce type d’abus. Alors que #MeToo a réussi à mettre en lumière les violences faites aux femmes et à susciter un débat mondial sur le sujet, le manque de visibilité de ce dernier limite la diffusion de cette sensibilisation. Les réactions négatives et offensantes de certains commentateurs, comme mentionné plus tôt, témoignent de la persistance des stéréotypes de genre et du manque de compréhension entourant les violences sexuelles masculines.

 

Ce manque de reconnaissance a aussi des implications directes sur les politiques de prévention ainsi que sur les ressources disponibles pour les victimes. On pourrait penser que reconnaître que les hommes sont également sujets à ce type de violences serait une évidence, mais apparemment, c'est un concept qui a du mal à percer certains cercles décisionnels. En négligeant ou en minimisant leurs expériences, les décideurs politiques et les responsables de la santé publique risquent de sous-estimer leurs besoins spécifiques et de ne pas allouer suffisamment de ressources pour les soutenir. C'est une attitude à la fois négligente et irresponsable qui ne fait qu'entretenir l'injustice et la souffrance, particulièrement alarmante lorsqu'on considère que le taux de suicide chez les hommes est trois fois supérieur à celui des femmes en général. Il est indéniable que #MeToo et #MeTooGarçons partagent la même ambition : donner la parole aux victimes de violences sexuelles, qu'elles soient hommes ou femmes. Pourtant, il est important de reconnaître que ces deux mouvements ne seront probablement jamais perçus de la même manière ni ne bénéficieront de la même visibilité. Statistiquement parlant, les hommes sont moins touchés par les violences sexuelles que les femmes, ce qui peut donner l'impression que leur expérience est moins pertinente ou moins digne d'intérêt. De même, les violences sexuelles à leur encontre sont souvent perpétrées par d'autres hommes. Cependant, cela ne diminue en rien l'importance de leur donner une voix et de lutter contre les stigmates qui les empêchent souvent de se faire entendre. #MeTooGarçons nous offre à tous et à toutes l'opportunité de réfléchir aux stéréotypes entourant la sexualité masculine et de remettre en question les idées préconçues sur le consentement et la virilité. Ce mouvement encourage aussi les hommes à reconnaître leur propre vulnérabilité et à défier les normes restrictives qui contribuent à la pérennité des ces comportements.