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La récession sexuelle à la Française

Décryptage de la sexualité post #MeToo

La récession sexuelle à la Française  Décryptage de la sexualité post #MeToo

Bienvenue dans l'univers fascinant – et parfois déconcertant – de la récession sexuelle en France. Si Maïa Mazaurette s'est penchée sur les principes de la révolution assexuelle chez les jeunes de 15 à 24 ans en 2022, c'est récemment le président en personne qui convoquait la presse pour débattre de nos habitudes sous la couette. Une injonction à la sexualité sous couvert de "réarmement démographique" qui n’a pas manqué d’indigner de nombreux citoyens, y compris nous. En parallèle, une série d'études - dont celle menée par l'Ifop pour la marque de sextoys LELO - assène le coup fatal en mettant en lumière le déclin significatif de l'activité sexuelle dans l'Hexagone. Au cours des 12 derniers mois seulement, 76% des Français en moyenne ont eu un rapport, soit une baisse de 15 points depuis 2006 et la dernière grande enquête sur le sujet, une proportion qui n'a jamais été aussi faible en cinquante ans. Ce phénomène, qui transcende les générations et s'immisce dans la vie quotidienne, soulève des interrogations sur les évolutions sociétales en cours. Pourquoi diable les Français font-ils moins l’amour qu’il y a 20 ans? Est-ce qu’être actif sexuellement est devenu has-been? Les incels ont-ils eu raison de nous? De l'évolution des mœurs à l'influence insidieuse des écrans, en passant par les répercussions post #MeToo, plongeons dans l'analyse de cette nouvelle apathie sexuelle qui façonne la réalité intime de la France contemporaine.

Adieu à la vision moyenâgeuse de la sexualité, empreinte du devoir de procréation

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Bien que notre société soit ancrée dans son héritage judéo-chrétien, une émancipation progressive se dessine vis-à-vis des idéologies qui l'ont longtemps accompagnée. Une tendance majeure émerge, façonnant la toile complexe des relations humaines: la dissociation croissante entre la conjugalité et la sexualité. Les attentes traditionnelles s'estompent, laissant place à une redéfinition du mariage où l'obligation sexuelle perd son caractère automatique, donnant naissance à des relations conjugales plus flexibles. Un désintérêt accru pour le sexe se dessine, les individus accordent moins d'importance à l'activité sexuelle au profit d'une quête de plénitude personnelle. Sur les personnes sondées, 54% des femmes et 42% des hommes déclarent par exemple qu'ils pourraient vivre avec quelqu'un dans une relation purement platonique.

La réussite d’un couple ne repose plus du tout sur sa vie sexuelle trépidante. On salue notamment l'acceptation croissante de l'asexualité, avec l'émergence de modes de vie non conventionnels moins assujettis aux normes traditionnelles. Si longtemps, elle avait été invisibilisée, elle touche approximativement 1% de la population mondiale; en France, elle est assumée par 12% de la population, jusqu’à 23 % chez les femmes âgées de 70 ans et plus. Son acceptation croissante participe notamment à la démocratisation de nouvelles conduites sexuelles, comme l’abstinence choisie en dehors du cadre religieux, et contribue à la normalisation de l'absence de désir sexuel. Comme Maïa Mazaurette l’a si bien démontré, la montée de l'inactivité sexuelle affecte particulièrement la jeunesse - plus d'un quart des jeunes de 18 à 24 ans admettent ne pas avoir eu de rapport en un an, soit cinq fois plus qu'en 2006. Si nos aînés semblent nous cataloguer en tant qu'asociaux frileux, terrifiés à l'idée de tout contact humain, nous y voyons plutôt une véritable libération. Loin des carcans étouffants de la performance sexuelle imposée par l'univers pornographique, et échappant à l'image stéréotypée de jeunes adultes constamment obsédés. C'est avec une satisfaction tangible que nous participons au démantèlement des pressions sociales obsolètes pour une vie sexuelle active, où la communication et le désir réel prennent enfin les rênes.

Le consentement, la pierre angulaire de la sexualité

Dans l'arène tumultueuse de la sexualité contemporaine, l'après #MeToo s’est hissé comme une révolution culturelle. Oubliez les schémas sordides de la drague à l'ancienne et des attentes obscures, les normes de consentement et de désir ont subi une cure de jouvence. C'est comme si le monde avait enfin compris, à quelques exceptions près, que le consentement n'est pas négociable, qu'il est la base même de toute interaction intime. D'ailleurs, les chiffres sont là pour le prouver: 82% des jeunes adultes considèrent le consentement comme non négociable dans leurs relations. Les femmes, elles, ont pris la parole et affirment haut et fort qu'elles ne se plieront plus à des attentes obsolètes. Selon une enquête récente, plus de 70% des femmes interrogées déclarent ne plus se sentir contraintes par des normes traditionnelles en matière de vie sexuelle, par rapport aux générations précédentes, elles se forcent beaucoup moins à engager des rapports sexuels. Un constat magnifié par l'essor incontestable de l'autonomie financière des femmes.

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Les données révèlent une augmentation de 25% des femmes affirmant avoir une plus grande influence sur leurs choix en matière de vie sexuelle grâce à leur autonomie financière. Autrefois confinées dans des rôles prédéfinis, elles ne se sentent plus assujetties au contrat conjugal dans lequel le sexe était une sorte de monnaie d’échange. Nous assistons aussi à une véritable révolution, où la priorité n'est plus le nombre d'expériences, mais l’exploration authentique de son intimité. Fini le temps des courses sans fin vers des idéaux inatteignables, les statistiques actuelles tracent un nouveau paysage où plus de 70% des jeunes adultes proclament leur préférence pour une approche qualitative du sexe. Bien que le dicton "Mieux vaut être seul que mal accompagné" puisse résonner de manière amère lorsqu’il est employé par une célibataire, près de 63% des femmes qui choisissent l'abstinence le font principalement en raison de l'absence de partenaires attractifs à leurs yeux. Tandis que, 61% des hommes avouent que leur manque d'activité sexuelle découle d'une incapacité à susciter de l'intérêt, à trouver quelqu'un désireux de partager des moments intimes avec eux. Messieurs, il semblerait que l’heure soit à la remise en question.

Plus de Netflix, moins de chill

La montée fulgurante des plateformes de streaming, des jeux vidéo, et des réseaux sociaux dessine un nouveau tableau des relations, où la passion des pixels semble parfois l'emporter sur la passion tout court. En sondant les habitudes des jeunes couples cohabitant, il apparaît que près de 50% des hommes, contre 42% des femmes, avouent avoir sacrifié un moment d'intimité au profit d'un marathon séries, souvent sur des plateformes comme Netflix ou OCS. Cette dévotion aux écrans s'étend à d'autres recoins du plaisir, les jeux vidéo incarnant une préférence affirmée par 53% des hommes de moins de 35 ans en couple, reléguant l'intimité sexuelle à un second plan. Les réseaux sociaux, eux aussi, grignotent leur part du gâteau, avec 48% des hommes de moins de 35 ans en couple les privilégiant, témoignant ainsi de l'ascension incontestée des écrans. Ces nouvelles préférences marquent une tendance à la “cannibalisation” du temps jadis dédié aux ébats, érigeant les écrans en concurrents redoutables. En ce qui concerne les célibataires, cette consommation intensive des écrans les pousserait, de la même manière, à rester chez eux et limiterait les occasions de rencontres et plus si affinités.

Cependant, il est crucial de reconnaître que nous vivons à une époque où pratiquement tout peut être livré à domicile en un simple clic, que ce soit de la nourriture ou des partenaires potentiels. Bien que les écrans puissent être perçus comme des rivaux dans les relations établies, ils agissent également en tant que complices, facilitant les rencontres et transformant le paysage du célibat en un véritable terrain de jeu pour les célibataires les plus aguerris. Ainsi, la récession sexuelle en France, loin d'être un phénomène unidimensionnel, est le résultat complexe de multiples influences, de l'évolution des mentalités à l'impact des activités numériques. Certes, nous faisons moins l’amour, mais mieux! Notre notion d’intimité évolue et nous nous adaptons simplement au changement. Une chose est sûre, si le pays court à sa perte, nous n’en sommes pas la cause principale.